Le rabbin et la païenne


« Rabbi Akiva »

Est-ce qu’une « jolie fille » peut aussi être « sans âme » ? Emmanuel Kant s’est posé la question. « Même d’une fille, on dit volontiers qu’elle est jolie, qu’elle a de la conversation et de l’allure, mais qu’elle est sans âme. A quoi correspond ce qu’on entend ici par âme ? L’âme, au sens esthétique, désigne le principe qui, dans l’esprit, apporte la vie. »i

L’âme est un principe de vie, et la beauté n’est rien si elle est sans vie. Être sans vie, cela veut dire être mort, et une beauté morte manque de l’essentiel, de ce feu interne qui anime, qui vit, et qui fait vivre.

A ceux qui croient que l’âme n’existe pas, on pourrait donc rétorquer : « Trouvez-vous belle une beauté sans âme ? »

Preuve indirecte, j’en conviens. Et au fond, assez faible. Quid en effet des filles qu’on ne trouve pas « jolies » ? Manqueraient-elles aussi d’âme ? L’apologue de Kant trouve vite sa limite. Mais il permet d’introduire une autre question, plus radicale. Celle de notre aveuglement.

« Il n’avait ni beauté ni éclat pour attirer les regards, et son aspect n’avait rien pour nous séduire. »ii C’est ainsi qu’Isaïe décrit le « serviteur », figure paradoxale. Ce personnage sans éclat n’a rien du Messie triomphant. Mais il est « l’Élu »iii, celui qui «établira le droit sur la terre »iv.

Non seulement il ne séduit pas, il n’a ni beauté ni d’éclat, mais il est même méprisé, abandonné de tous, humilié.

« Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n’en faisons aucun cas. Or ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. »v

Devant lui, on se voile même la face, tant il inspire du mépris. Pourtant, il est en réalité le « roi d’Israël », et la « lumière des nations »vi.

Le Serviteur, le Messie, n’a ni beauté ni éclat. Il est chargé de douleurs, humilié. Personne n’y prête attention, ou alors on le couvre de quolibets, on l’abreuve d’injures. Mais Dieu dit à son sujet: « Mon âme se réjouit »vii et « J’ai répandu Mon esprit sur lui »viii.

Il y a donc sur cette terre des personnes « belles » qui peuvent être sans âme, et des personnes ni belles, ni éclatantes, qui ne manquent ni d’âme ni d’esprit.

Paradoxe digne d’intérêt.

Dans le Talmud, plusieurs passages traitent de la beauté, d’autres parlent de l’âme ; mais fort rares sont ceux qui abordent les deux sujets à la fois.

Des rabbins, quelque peu infatués d’eux-mêmes, tirèrent un grand orgueil de leur beauté.

Par exemple R. Johanan Bar Napheba n’hésita pas à dire: « Je suis un reste des splendeurs de Jérusalem ».ix Sa beauté était célèbre. Elle devait être d’autant plus frappante que son visage était « imberbe ».x Et, de fait, il suscitait l’admiration et même l’amour, au point de déclencher des transports inattendus.

« Un jour, R. Johanan se baignait dans le Jourdain. Rech Lakich le vit et sauta dans le fleuve pour le rejoindre.

– Tu devrais consacrer ta force à la Thora, lui dit R. Johanan.

– Ta beauté conviendrait mieux à une femme, répondit Rech Lakich. 

– Si tu changes de vie, je te donnerai ma sœur en mariage, qui est bien plus belle que moi.»xi

Au moins, le rabbin Johanan était-il regardé et admiré ! On ne peut en dire autant de la femme d’Abraham. Abraham, son mari, ne la regardait même pas, et longtemps il ne sut pas qu’elle était belle ! Elle l’était pourtant, éminemment, et, contrairement à Abraham, le Pharaon, qui n’avait pas les yeux dans sa poche, la convoita ouvertement.

« J’avais fait un pacte avec mes yeux, et je n’aurais pas arrêté mes regards sur une viergexii: Job n’aurait pas regardé une femme qui ne fût pas à lui, dit Rabba, mais Abraham ne regardait même pas sa propre femme, puisqu’il est écrit Voici : je sais que tu es une femme belle de figure (Gen. 12,11) : jusque là il ne le savait pas. »xiii

La véritable beauté est un grand don, mais peut porter préjudice, et même malheur. Le (très beau) rabbin Johanan, dont on vient de parler, racontait cette histoire :

« Depuis le fleuve Echel jusqu’à Rabath s’étend la vallée de Doura ; parmi les Israélites que Nabuchodonozor y avait exilés, se trouvaient des jeunes gens dont la beauté radieuse éclipsait le soleil. Leur seule vue rendait les femmes de Chaldée malades de désir. Elles l’avouèrent à leurs maris. Ils en informèrent le roi qui les fit exécuter. Mais les femmes continuaient à languir. Alors le roi fit écraser les corps de jeunes gens. »xiv

En ces temps-là, les rabbins n’étaient certes pas désintéressés quant à la beauté des femmes (ou des hommes)…

« Rabban Simon b. Gamaliel était sur les marches de la colline du Temple lorsqu’il aperçut une païenne d’une grande beauté. Que tes œuvres sont grandes, Éternel !xv s’exclama-t-il. De même, lorsque R. Akiva vit la femme de Turnus Rufusxvi, il cracha, il rit et il pleura. Il cracha parce qu’elle provenait d’une goutte puante ; il rit parce qu’elle était destinée à se convertir et à devenir sa femme ; et il pleura [en pensant] qu’une telle beauté serait un jour sous la terre. »xvii

On peut penser que si le rabbin Akiva rêva de convertir et de séduire la femme du gouverneur romain de Judée, cela pouvait être mis sur le compte d’un prosélytisme militant. Ou bien n’était-ce qu’une parabole talmudique ?

Pourquoi le rabbin Akiva a-t-il pleuré la beauté de cette païenne ? La beauté de son âme de future « convertie » n’aurait-elle pas dû oblitérer la beauté de son corps destiné à être enfoui un jour sous la terre ?

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iEmmanuel Kant. Critique de la faculté de juger. 1995

iiIsaïe, 53,2

iiiבְּחִירִי beḥî, « mon élu » Is. 42,1

ivIsaïe, 42,4

vIsaïe, 53,3-4

viאוֹר גּוֹיִם or goyim, « la lumière des nations », Isaïe, 42, 6

viiרָצְתָה נַפְשִׁי ratsah nafchî « mon âme est réjouie » Isaïe, 42,1

viiiנָתַתִּי רוּחִי עָלָיו natattî ruḥî ‘alaïou « j’ai répandu mon esprit sur lui » Isaïe, 42,1

ixAggadoth du Talmud de Babylone. Baba Metsi’a. §34. Trad. Arlette Elkaïm-Sartre. Ed. Verdier. 1982, p.895.

xIbid.

xiIbid. §35, pp. 895-896

xiiJob 31,1

xiiiIbid. Baba Bathra. §37, p.940.

xivIbid. Sanhedrin. §143. p.1081.

xvPs 104,24

xviGouverneur romain de la Judée au premier siècle de l’ère chrétienne.

xviiIbid. ‘Avoda Zara. §34, p. 1234

Trois ciels et trois visions.


Où est le Jardin d’Éden ?

Selon le Talmud, il se trouve en Palestine, ou bien en Arabie, ou encore à Damas.i

Où se trouvent les Enfers ?

Dans Sion, affirme l’école du Rabbi Ismaël.ii

Et où est l’entrée des Enfers? Le Rabbi Jérémie ben Éléazar a dit : « La Géhenne a trois entrées : une dans le désert, une autre dans la mer, la troisième à Jérusalem. »iii

La Géhenne tire son nom de Gaïhinom, c’est-à-dire une vallée aussi profonde que la vallée d’Hinom. Mais la Géhenne a bien d’autres noms encore : Tombe, Perdition, Abîme, Désolation, Bourbier, Ombre de la Mort, Terre du Dessous.iv

Cette dernière expression se rapproche de celle employée par les Nations : les « Enfers ».

« On parle en latin des enfers (inferi) parce qu’ils sont au-dessous (infra). De même que, dans l’ordre des corps, selon la loi de la pesanteur, les plus bas sont tous les plus lourds, de même dans l’ordre des esprits, les plus bas sont tous les plus tristes. »v

Tout le monde s’accorde pour dire que les Enfers sont un lieu triste. Mais sont-ils un lieu géographique, du genre « Sion » , ou « sous Sion »?

Augustin, pour sa part, affirme que les Enfers sont un lieu spirituel, et non un lieu « sous la terre ».

Ce « lieu » est au ciel.

Le ciel ? Mais lequel ?

Augustin distingue en effet trois cieux.vi

Premier ciel : Le monde corporel, qui s’étend au-dessus des eaux et de la terre.

Second ciel : Tout ce qui est vu par l’esprit, et qui ressemble à des corps, comme ce plat rempli d’animaux que Pierre au cours d’une extase vit descendre vers lui (Act., X, 10-12).

Troisième ciel : « Ce que l’âme intellectuelle contemple une fois qu’elle est tellement séparée, éloignée, coupée des sens charnels, et tellement purifiée qu’elle puisse voir et entendre, de manière ineffable, ce qui est dans le ciel et la substance même de Dieu, ainsi que le Verbe de Dieu par qui tout a été fait, et cela dans la charité de l’Esprit-Saint. : dans cette hypothèse, il n’est pas déraisonnable de penser que c’est aussi en ce séjour que fut ravi l’Apôtre (II Cor., 12, 2-4), et que peut-être là est le paradis supérieur à tous les autres et, si je puis dire, le paradis des paradis. »vii

Parlons un peu du deuxième ciel.

Ce qui permet le mieux de s’en faire une idée est la vision de Pierre : « Il sentit la faim et voulut prendre quelque chose. Or, pendant qu’on lui préparait à manger, il tomba en extase. Il voit le ciel ouvert et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre. Et dedans il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles, et tous les oiseaux du ciel. Une voix lui dit alors : « Allons, Pierre, immole et mange. » Mais Pierre répondit : « Oh non ! Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur ! » De nouveau, une seconde fois, la voix lui parle : « Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé. » Cela se répéta par trois fois, et aussitôt l’objet fut remporté au ciel. (…) Comme Pierre était toujours à réfléchir sur sa vision, l’Esprit lui dit : « Voilà des hommes qui te cherchent. Va donc, descends et pars avec eux sans hésiter, car c’est moi qui les ai envoyés. »viii

Alors Pierre se rend chez Corneille, le centurion. Il y trouve un grand nombre de gens qui l’attendaient. Alors Pierre leur dit : « Vous le savez, il est absolument interdit à un Juif de frayer avec un étranger ou d’entrer chez lui. Mais Dieu vient de me montrer, à moi, qu’il ne faut appeler aucun homme souillé ou impur. »ix

La vision de Pierre a donc un effet bien réel. Elle induit ce Juif sourcilleux, ce Juif respectueux de la Loi, à abandonner quelque peu le respect des terribles interdits, et à frayer avec quelques non-Juifs, assemblés dans leur propre maison.

Cette première vision, suivie d’effet, sera également suivie d’une seconde vision.

En effet, Pierre est arrêté, mis en prison, et sur le point d’être exécuté, sur les ordres du roi Hérode.

Mais, coup de théâtre !

« Soudain, l’ange du Seigneur survint, et le cachot fut inondé de lumière. L’ange frappa Pierre au côté et le fit lever : « Debout ! Vite ! dit-il. Et les chaînes lui tombèrent des mains. »x(…) « Pierre sortit, et il le suivait : il ne se rendait pas compte que c’était vrai, ce qui se faisait par l’ange, mais il se figurait avoir une vision. »xi

Ce n’était pas une vision, notons-le bien, puisque Pierre fut effectivement libéré.

Mais il y a avait quand même un élément de vision, l’ange.

« Brusquement, l’ange le quitta. Alors Pierre, revenant à lui, dit : « Maintenant je sais réellement que le Seigneur a envoyé son ange et m’a arraché aux mains d’Hérode et à tout ce qu’attendait le peuple des Juifs. »xii

iC’est du moins ce qu’affirme Rech Lakich in Aggadoth du Talmud de Babylone. ‘Erouvin 19a §16. Trad. Arlette Elkaïm-Sartre. Ed. Verdier. 1982, p.264.

ii« Le passage Qui a son feu dans Sion et sa fournaise dans Jérusalem (Is. 31,9) nous le montre. Selon l’école de R. Ismaël, Son feu dans Sion, c’est la Géhenne ; Sa fournaise dans Jérusalem, c’est l’entrée de la Géhenne ». In Aggadoth du Talmud de Babylone. ‘Erouvin 19a §14. Trad. Arlette Elkaïm-Sartre. Ed. Verdier. 1982, p.263.

iiiAggadoth du Talmud de Babylone. ‘Erouvin 19a §14. Trad. Arlette Elkaïm-Sartre. Ed. Verdier. 1982, p.263.

ivSelon R. Josué ben Lévi. Ibid. p.264

vS. Augustin. Livre XII, 34, 66. Desclée de Brouwer. 1972, p.449.

viS. Augustin. Livre XII, 34, 67. Desclée de Brouwer. 1972, p.449.

viiIbid. Livre XII, 34,68 ; p.451

viiiAct. 10, 10-20

ixAct. 10, 28

xAct., 12,7

xiAct., 12,9

xiiAct., 12, 10-11

L‘âme et la beauté, ou : La païenne et le rabbin


Une « belle fille » dont la beauté est sans âme, est-elle belle ?

« Même d’une fille, on dit volontiers qu’elle est jolie, qu’elle a de la conversation et de l’allure, mais qu’elle est sans âme. A quoi correspond ce qu’on entend ici par âme ? L’âme, au sens esthétique, désigne le principe qui, dans l’esprit, apporte la vie. »i

Pour Kant, ici, l’âme est un principe esthétique, un principe de vie. La beauté n’est rien si elle ne vit pas de quelque manière, du feu d’un principe interne.

La beauté n’est rien vraiment sans ce qui la fait vivre, sans ce qui l’anime, sans l’âme même.

Mais si l’âme fait vivre, comment voit-on l’effet de sa puissance ? Par l’éclat seul de la beauté ? Ou par quelques autres signes ?

L’âme peut-elle vivre, et même vivre au plus haut degré possible, sans pour cela frapper d’étonnement ou de stupeur ceux qui la côtoient, qui la frôlent même, sans la voir ? Ou, pire encore, par ceux qui l’aperçoivent mais qui la méprisent alors ?

« Il n’avait ni beauté ni éclat pour attirer les regards, et son aspect n’avait rien pour nous séduire. »ii

Ces paroles du prophète Isaïe décrivent le Serviteur, figure paradoxale, non pas d’un Messie triomphant, mais bien figure de l’élu de Dieu, qui est la « lumière des nations »iii et qui «établira le droit sur la terre »iv. Les Chrétiens, plus tard, y verront la préfiguration du Christ.

Le Serviteur n’est pas beau, il n’a pas d’éclat. Devant lui, on se voile la face, du fait du mépris qu’il inspire. Isaïe le dit, le Serviteur est en réalité le roi d’Israël, la lumière des nations, l’homme en qui Dieu a mis son esprit, et en qui l’âme de Dieu se complaîtv.

« Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n’en faisons aucun cas. Or ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. »vi

Le Serviteur, le Messie, n’a ni beauté ni éclat. Il n’ a rien pour séduire, mais l’âme de Dieu se complaît en lui.

Une femme belle, sans âme, et le Serviteur, sans beauté, dont l’âme est aimée de Dieu.

L’âme et la beauté n’auraient-elles donc aucun rapport?

Dans le Talmud, plusieurs passages traitent de la beauté ; d’autres de l’âme ; rarement des deux à la fois.

Quelques rabbins tirèrent orgueil de leur beauté.

R. Johanan Bar Napheba a dit: « Je suis un reste des splendeurs de Jérusalem ».vii

Sa beauté était célèbre. Elle devait être d’autant plus frappante que son visage était « imberbe ».viiiEt, de fait, il suscitait l’amour, au point de déclencher des transports inattendus.

« Un jour, R. Johanan se baignait dans le Jourdain. Rech Lakich le vit et sauta dans le fleuve pour le rejoindre.

Tu devrais consacrer ta force à la Thora, lui dit R. Johanan.

Ta beauté conviendrait mieux à une femme, répondit Rech Lakich. 

Si tu changes de vie, je te donnerai ma sœur en mariage, qui est bien plus belle que moi.»ix

Au moins, on le regardait et on l’admirait, ce R. Johanan ! On ne peut en dire autant de la femme d’Abraham. Elle était pourtant belle, puisque le Pharaon la convoitait.

« J’avais fait un pacte avec mes yeux, et je n’aurais pas arrêté mes regards sur une vierge (Job, 31,1) : Job n’aurait pas regardé une femme qui ne fût pas à lui, dit Rabba, mais Abraham ne regardait même pas sa propre femme, puisqu’il est écrit Voici : je sais que tu es une femme belle de figure (Gen. 12,11) : jusque là il ne le savait pas. »x

Si l’on est vraiment beau, cela peut porter préjudice. En témoigne ce que rapporte R. Johanan, le très beau rabbin dont on vient de parler.

Voici ce qu’il raconte : « Depuis le fleuve Echel jusqu’à Rabath s’étend la vallée de Doura ; parmi les Israélites que Nabuchodonozor y avait exilés, se trouvaient des jeunes gens dont la beauté radieuse éclipsait le soleil. Leur seule vue rendait les femmes de Chaldée malades de désir. Elles l’avouèrent à leurs maris. Ils en informèrent le roi qui les fit exécuter. Mais les femmes continuaient à languir. Alors le roi fit écraser les corps de jeunes gens. »xi

De même, en ce temps-là, les rabbins n’avaient pas non plus les yeux dans la poche, pour la beauté des femmes.

« Rabban Simon b. Gamaliel était sur les marches de la colline du Temple lorsqu’il aperçut une païenne d’une grande beauté. Que tes œuvres sont grandes, Éternel ! (Ps. 104, 24) s’exclama-t-il. De même, lorsque R. Akiba vit la femme de Turnus Rufusxii, il cracha, il rit et il pleura. Il cracha parce qu’elle provenait d’une goutte puante ; il rit parce qu’elle était destinée à se convertir et à devenir sa femme ; et il pleura [en pensant] qu’une telle beauté serait un jour sous la terre. »xiii

Que le rabbin Akiba rêve de convertir et de séduire la femme du gouverneur romain de Judée peut être mis sur le compte d’un prosélytisme militant.

Ou bien n’était-ce qu’une parabole ?

Pourquoi le rabbin Akiba a-t-il pleuré la beauté de cette païenne ? La beauté de son âme de « convertie » n’aurait-elle pas dû oblitérer la beauté de son corps destiné à être enfoui sous terre ?

iEmmanuel Kant. Critique de la faculté de juger. 1995

iiIsaïe, 53,2

iiiIsaïe, 42, 6

ivIsaïe, 42,4

vIsaïe, 42,1

viIsaïe, 53,3-4

viiAggadoth du Talmud de Babylone. Baba Metsi’a. §34. Trad. Arlette Elkaïm-Sartre. Ed. Verdier. 1982, p.895.

viiiIbid.

ixIbid. §35, pp. 895-896

xIbid. Baba Bathra. §37, p.940.

xiIbid. Sanhedrin. §143. p.1081.

xiiGouverneur romain de la Judée au premier siècle de l’ère chrétienne.

xiiiIbid. ‘Avoda Zara. §34, p. 1234