En 1963, Michaux n’a pas encore 64 ans. Il envoie le texte de Annonciation à Micheline Phan Kim.
« Jonques alourdies
jonques allégées
nos jonques jointes
nous remontons vers l’origine. »
Dans la baie d’Ha Long, je me souviens. La jonque glisse en silence sur les eaux mates, calmes, en ce début d’année du Singe. Mille îles, comme des dents cariées et fortes, dans la mâchoire du temps. Les saxifrages cachent la roche nue. Derrière elle, les grottes s’enfoncent sans fin.
« La nuit est notre palmeraie. »
Au sud, au-delà de l’Atlas, dès l’aube, mille oiseaux chantaient près des ksour une symphonie ocre et mauve.
« Jade au-dehors
feuillage et fruit au-dedans
Oubli des murs. »
Je me souviens de l’odeur chaude des pierres, des quartz éclatés dans la montagne, du vert de l’orge et des murs de terre éboulée.
« Prière dans la roue
Tous les visages de la journée
s’achèvent dans la paix de son visage. »
La nuit n’est plus qu’un corps vivant. Elle se recommence dans l’espace des plis, dans les cils et les silences. Je me souviens aussi des silences.
« Il y aura bientôt un an d’ici ma solitude… »
Ironie des sens.