Neurosciences, nombres et lumière


« Arthur Rimbaud »

La psychologie et l’anthropologie cognitives se targuent de pouvoir dégager, par-delà la variabilité des langues et des cultures, des structures mentales universelles. Dans cette chasse aux structures, ce sont les plus (apparemment) simples, les plus immédiatement accessibles, qui sont privilégiées pour l’étude expérimentale. Cela est bien compréhensible. Mais ce critère de facilité expérimentale représente un biais en soi, et limite la portée ultérieure des résultats. Par exemple, l’intérêt des psychologues cognitifs pour les expérimentations faites autour des structures psychologiques associées aux ‘nombres naturels’ (1, 2, 3, 4, etc.) se justifie, en un sens, par la relative simplicité avec laquelle on peut créer des protocoles expérimentaux riches de résultats quantitatifs. Mais ceux-ci sont-ils toujours probants, lorsque vient le moment de les généraliser et d’élargir le champ de leurs applications? Il est fort instructif de considérer à ce sujet l’abîme conceptuel et méthodologique entre la psychologie cognitive et la psychologie des profondeurs, dans leurs approches respectives de la notion de ‘nombre’. Le point de vue de la psychologie des profondeurs est bien illustré par C.G. Jung, qui en fut le pionnier. Il a montré que des structures psychiques attachées aux nombres pouvaient être mises en rapport avec d’autres structures touchant au numineux et au sacré, et qu’elles pouvaient se rejoindre dans un ‘monde commun’, qu’il appelle unus mundus. Dans son ouvrage Explication de la nature et psyché, il formule clairement l’idée que l’exploration des archétypes des nombres naturels permet de pénétrer plus avant dans la réalité unitaire, et complexe, de la psyché et de la matière. « J’ai le sentiment que le nombre est une clé du mystère, puisqu’il est autant découvert qu’inventé. Il est quantité aussi bien que signification ; sur ce dernier point, je citerai les quantités arithmétiques de l’archétype fondamental de ce qu’on nomme le ‘Soi’ (monade, microcosme, etc.) et ses variantes du quatre, le 3 + 1 et le 4 + 1, qui sont historiquement et empiriquement bien illustrés par des documents. »i

Sa disciple, Marie-Louis von Franz, a continué les recherches initiées par Jung sur les archétypes attachés au nombre. Son livre Nombre et tempsii fournit une abondante source documentaire, anthropologique et ethnographique, et explore la profondeur immémoriale des liens entre le nombre et le sacré. S’appuyant largement sur les travaux antérieurs de Jung, elle apporte des considérations complémentaires sur les archétypes du 2 (pouvant s’interpréter à l’aide des concepts de ‘dualité’, d’‘opposition’, de ‘séparation’, mais aussi de ‘suite’ et d’‘accompagnement’iii), du 3 (concept de ‘trinité’) ou du 4 (concepts de ‘quaternion’ et de ‘mandala’).

Pour Pythagore l’archétype du ‘Deux’ symbolisait la matière, par opposition à l’esprit qui était représenté par l’‘Un’. Mais, selon une autre interprétation, rapportée par M.-L. Von Franz, l’Un contient déjà le Deux en puissance, et il l’engendre de toute éternité. « Le double aspect de l’Un comme Totalité-Unité et unité de compte (MonotèsHenotès) contient déjà virtuellement le deux. C’est pourquoi l’Un primordial était déjà, en ce qui concerne son contenu (par exemple dans la spéculation gnostique des nombres), caractérisé comme ‘Père-Mère, ‘Silence-Force’ divinsiv (…) Le deux était rattaché à Eve, c’est pourquoi le diable la tenta la première. Il existe ainsi une parenté secrète entre la dualité, le diable et la femme, et le quatre, que l’on peut déduire du deux, a également reçu une valeur négative, en tant que ‘païen’. Le deux est même le diable en personne. Ce principe diabolique de dualité a tenté d’édifier une création opposée à Dieu, luttant contre l’ordre trinitaire du monde. (…) On peut voir une variante de la même idée archétypique dans la théorie cosmogonique de Pascual Jordan, d’après laquelle l’univers serait sorti d’une paire de neutronsv. »vi Par nature, les archétypes traversent aisément les frontières disciplinaires, mais aussi celles de l’inconscient. Si la psychologie cognitive désire traiter sérieusement du concept de nombre ‘naturel’, il lui faudrait aussi tenir compte des valeurs archétypiques et des associations inconscientes attachées aux idées de l’Un, du Deux ou du Trois, et ne pas s’empêcher non plus de voir leurs prolongements dans des traditions philosophiques comme le monisme, le non-dualisme ou le dualisme, ou encore dans la prégnance philosophique ou religieuse du paradigme trinitaire.

Pourtant, la distance entre les approches de la psychologie cognitive et celles de la psychologie des profondeurs quant à l’essence même du ‘nombre’ reste flagrante. Un excellent exemple est celui des lois de Weber et de Fechner, dont la psychologie cognitive fait notoirement usage. Ces lois ont en effet de nombreuses applications expérimentales, pour la quantification (et la ‘numérisation’) des réponses à des stimuli sensoriels. Selon la loi de Weber, plus les stimuli sensoriels augmentent en intensité, plus les sensations qu’ils provoquent deviennent subjectivement imprécises. Autrement dit, plus les nombres qui traduisent les stimulations sensorielles sont grands, plus leur estimation consciente par le sujet devient approximative. Quant à la loi de Fechner, elle stipule que des stimuli d’intensité croissante produisent des effets ressentis augmentant, relativement, de moins en moins. Les sensations s’accroissent d’autant plus faiblement que les stimuli augmentent davantage, selon une courbe logarithmique.

Ces lois ne tombent pas du ciel. Elles sont en quelque sorte câblées dans le système neuronal. On a fait l’hypothèse qu’il existe des « neurones détecteurs de nombres », capables de détecter quatre ou cinq objets en même temps. La modélisation du fonctionnement de ces neurones montre que plus le nombre d’objets à détecter augmente, plus le codage neural qui permet d’évaluer ce nombre devient imprécis. Selon ce modèle, le système neuronal allouerait d’autant moins de neurones à la reconnaissance numérique, que les objets à percevoir augmenteraient en nombre. C’est là, inscrite dans l’architecture neuronale elle-même, une première approximation des lois de Weber-Fechner.

Ces lois ne s’appliquent en principe qu’à des stimuli sensoriels, et à leurs effets psycho-physiologiques induits. Mais, par une expérience de pensée, on pourrait concevoir, en théorie, qu’elles s’appliquent aussi à des stimuli non sensoriels, par exemple des stimuli émotionnels ou cognitifs. On pourrait alors supposer que des stimuli émotionnels ou cognitifs de plus en plus forts provoqueraient des réponses émotionnelles, ou cognitives, de moins en moins rapidement croissantes, suivant en cela les courbes logarithmiques prévues par Fechner. Si les lois de Weber-Fechner se trouvaient être ainsi généralisables, et si on pouvait les appliquer non seulement aux stimuli sensoriels, mais aussi à des stimuli émotionnels, affectifs ou cognitifs, cela aurait d’étonnantes conséquences qualitatives, dont certaines parfaitement contre-intuitives. Si des chocs émotionnels et affectifs successifs frappaient avec une intensité croissante la conscience, celle-ci se révélerait-elle de plus en plus émoussée, réagissant de moins en moins ? Si des idées ou des concepts étaient présentés à la conscience sous une forme de plus en plus frappante, de plus en plus percutante, les lois (‘généralisées’) de Weber et Fechner se traduiraient-elles par des réactions de plus en plus relativement dubitatives ou blasées ? La conscience serait-elle progressivement lassée, émoussée ou même anesthésiée lors de stimulations émotionnelles ou cognitives de plus en plus fortes ? Ce serait là une contrainte neuronale, structurelle, systémique, imposée à la conscience, quant à sa capacité de réagir adéquatement aux idées les plus nouvelles, aux sentiments les plus élevés, aux intuitions les plus foudroyantes. Cela expliquerait un certain état moyen dans lequel se tient la conscience habituelle, dans son état ‘normal’, quotidien. La conscience serait structurellement inhibée, de par sa programmation neuronale, synaptique, elle serait formatée en vue de ressentir de moins en moins des chocs émotionnels, affectifs ou intellectuels qui seraient de plus en plus élevés. Cela expliquerait, incidemment, pourquoi les génies de la pensée, les mystiques capables des plus grandes révélations, sont si rares. Plus une idée serait grande, folle, immense, géniale, divine même, plus la loi (généralisée) de Fechner tendrait à la réduire relativement, à la réfréner, à la comprimer, à l’émasculer, pour qu’elle reste dans le cadre de ce que la conscience ‘moyenne’ est capable de supporter, et d’assimiler. L’on pourrait considérer que les lois de Weber et Fechner sont donc, en somme, nécessaires à la survie de l’espèce. Elles fonctionnent comme une sorte de soupape de sécurité ou de disjoncteur destiné à empêcher des courts-circuits qui endommageraient gravement le système synaptique et neuronal si les effets ressentis, subjectifs, étaient directement proportionnels aux stimuli objectifs. On en déduirait qu’Homo sapiens a pu survivre (jusqu’à présent) avec des structures neurophysiologique ainsi formatées, parce qu’elles étaient précisément la meilleure manière de lisser les réactions à un environnement foncièrement imprédictible, ou potentiellement très dangereux…

Mais l’expérience de pensée suggérée ci-dessus est-elle légitime ? Peut-on réellement généraliser l’application des lois de Weber et Fechner (essentiellement quantitatives) à des stimuli qualitatifs, – émotionnels ou cognitifs ? S’il existe des « neurones détecteurs de nombres », existe-t-il aussi des neurones détecteurs d’idées neuves, des neurones détecteurs d’expériences inouïes, jamais vues, des neurones détecteurs de révélations (sacrées) et d’illuminations (mystiques) ? Peut-on appliquer les lois de Weber et Fechner aux effets des psychotropes, ou bien, dans un autre ordre d’idées, aux visions prophétiques ? Plus une vision serait puissante (par exemple, celle d’un Moïse sur le mont Horeb), moins nombreux, proportionnellement, seraient les neurones alloués à cette expérience, ou bien moindre leur réaction spécifique? Si la loi de Weber-Fechner s’appliquait effectivement aux illuminations ou aux révélations divines, les stimuli associés à ces expériences devraient-ils être exponentiellement augmentés pour compenser la loi logarithmique de Fechner, et produire des réactions subjectives suffisamment marquantes ? Et si cela n’était pas physiologiquement possible, devrait-on en conclure que, selon les lois de Weber-Fechner, les consciences des plus grands génies humains, des prophètes inoubliables, des poètes inclassables, des inventeurs de mondes, seraient bien vite blessées par des éclats éblouissants, des lumières aveuglantes, ou des visions les noyant dans l’obscurité ?

Mais il y a à ce sujet une autre hypothèse possible, celle d’une inversion pure et simple des lois de Weber et Fechner, lorsque la conscience est plongée dans des situations émotionnelles ou cognitives extrêmes. Loin de s’appliquer aux fonctions supérieures de la conscience de façon comparable aux expériences sensorielles, et loin de réduire relativement les effets ressentis, ces lois seraient alors invalidées et remplacées par des lois de dépassement, d’augmentation et même d’accélération de la conscience. Plus les stimuli émotionnels ou cognitifs seraient puissants, plus la réaction subjective augmenterait exponentiellement (et non plus de façon logarithmique), plus la conscience serait en mesure de se dépasser elle-même, et d’aller toujours plus loin dans son propre dépassement. Cela expliquerait que certaines consciences, peut-être plus douées, ou mieux préparées, seraient alors d’autant plus capables de s’ouvrir à la nouveauté absolue, à la surprise radicale, à la brûlure intolérable, à la vision explosive, à l’intuition déchirante, à la révélation écrasante, que les lois de Weber et Fechner seraient dans ces cas-là, non seulement abolies, mais transformées en leur contraire.

Les neurologues conviennent que les tâches qui impliquent un sens de la quantité – addition, soustraction, comparaison, évaluation d’un nuage de points  – activent dans le cerveau des régions particulières, dûment identifiées, au premier rang desquelles se trouve le fond du sillon intrapariétalvii. Est-ce à dire que les idées et les représentations attachées aux archétypes de l’Un, du Deux, du Trois, du Multiple ou de l’Infini, prennent aussi leur source en cet endroit du cerveau ? Si l’on pousse cette observation dans ses ultimes conséquences, l’idée de l’Unité essentielle du divin, celle de sa Trinité, ou de son Infinité, sont-elles elles aussi en germe, et en quelque sorte ‘pré-câblées’, au fond du sillon intrapariétal ? Quoi qu’il en soit, on peut admettre a minima que l’idée même d’un Dieu ‘Un’ ou celle de sa structure trinitaire, sont sans doute liées aux archétypes du 1 ou du 3. Ces nombres sont d’une part de ‘simples’ nombres naturels, mais ils sont aussi les symboles numineux de hauts dogmes religieux. Allons-plus loin sur cette ligne de pensée. Si les archétypes du 1, du 2 et du 3 se trouvent ‘codés’ dans le sillon intrapariétal, y trouve-t-on aussi ceux du ‘million’ ou de l’‘infini’ ? Serait-ce alors de ce sillon qu’a jailli le « million d’oiseaux d’or » vu par le Poète ?

Dans sa lettre du 15 mai 1871 à Paul Demeny, Arthur Rimbaud a exposé son programme poétique en quelques phrases elliptiques: « Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ». Ainsi, « il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ».

Rimbaud, cela est certain, ‘a vu’. Il en témoigne, dans Le Bateau ivre :

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !

J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
— Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ? —

Rimbaud ‘a vu’. Mais quoi exactement?

Jean-Pierre Changeux, lui aussi, ‘a vu’, mais tout autre chose que Rimbaud, s’il faut en croire Stanislas Dehaene. Il ‘a vu’ que le libre arbitre est une illusion, que ce n’est pas l’homme qui ‘veut’ ou qui ‘décide’, mais que des décisions se prennent en lui, sans qu’il en ait conscience, à la suite de brisures de symétrie dans des réseaux neuronaux, stochastiques et métastablesviii… On voit, quant à nous, que Changeux, Dehaene et les neuroscientifiques comprennent bien mieux que Rimbaud, ce que le Poète lui-même a vu!

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !

Contre le Poète, les neurosciences l’affirment : ce ne sont jamais là que des pleurs non décidés, un amour illusoire, une ivresse neuronale, une quille symétriquement brisée, un naufrage métastable et une Aube ‘exaltée’ et ‘navrante’, et donc stochastique…

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iC.G. Jung, Letters II, Londres, 1976, pp.399-400, cité par ML von Franz in op.cit.

iiMarie-Louise von Franz. Nombre et Temps. La Fontaine de pierre. 2012

iii« Entendu comme dynamisme psychique, l’archétype de la dualité se tient à l’arrière-plan des opérations de répétition et de division. C’est pourquoi le mot signifiant ‘deux’ est apparenté, dans certaines langues primitives, à celui de ‘fendre’, et dans d’autres, à ceux de ‘suivre’ et d’‘accompagner’. » Marie-Louise von Franz. Nombre et Temps. La Fontaine de pierre. 2012, p.102

iv Cf. A Gnostic Coptic Treatise, édité par C.A. Baynes, Cambridge, 1933

vCf. B. Bavink, Weltschöpfung in Mythos und Religion, Philosophie und Naturwissenschaft, Bâle 1951, pp. 80, 102.

viMarie-Louise von Franz. Nombre et Temps. La Fontaine de pierre. 2012, p.103-104, note 18

vii« Toutes les tâches qui évoquent un sens de la quantité – addition, soustraction, comparaison, mais aussi simple vision d’un chiffre ou dénombrement d’un nuage de points – activent un réseau reproductible de régions, au premier rang desquelles figure le fond du sillon intrapariétal. Cette localisation s’accorde avec les connaissances des neurologues. Dès les années 1920, deux médecins allemands, Henschen et Gerstmann, sur la base de l’observation des nombreux blessés de la première guerre mondiale, avaient montré que les lésions pariétales gauches entraînent une acalculie : le patient ne parvient plus à réaliser des opérations aussi simples que sept moins deux ou trois plus cinq. » S. Dehaene. Vers une science de la vie mentale. Leçon inaugurale au Collège de France.

viii« La psychologie naïve se demande comment nous prenons des décisions ; la nouvelle théorie indique comment des décisions se prennent en nous, par brisure de symétrie dans un réseau stochastique et métastable. Dans cette théorie, les lois psychologiques de la chronométrie mentale se déduisent de la physique statistique de réseaux neuronaux, et ceux-ci implémentent, en première approximation, l’algorithme de prise de décision de Turing. » S. Dehaene. Vers une science de la vie mentale. Leçon inaugurale au Collège de France.

Illuminations


« Arthur Rimbaud »

Elle est retrouvée.

Quoi ? L’éternité.

C’est la mer allée

Avec le soleil.

Âme sentinelle,

Murmurons l’aveu

De la nuit si nulle

Et du jour en feu.

(Arthur Rimbaud, L’Eternité)

Bien avant Rimbaud, Eschyle, dans un vers du Prométhée enchaîné, avait lié le rire à la mer. Cela n’avait pas échappé à Baudelaire, qui reprit l’image dans les Fleurs du mal.i

Je te hais, Océan ! Tes bonds et tes tumultes,
Mon esprit les retrouve en lui ; ce rire amer
De l’homme vaincu, plein de sanglots et d’insultes,
Je l’entends dans le rire énorme de la mer.

(Charles Baudelaire, «Obsession», Les Fleurs du mal)

Selon le mythe, le Titan Prométhée avait encouru la colère de Zeus pour avoir donné le feu à l’humanité et Zeus avait chargé Héphaïstos de l’enchaîner à un rocher. La pièce d’Eschyle commence à ce moment et met en scène Prométhée, enchaîné, s’adressant aux forces de la nature, qu’il prend à témoin de l’injustice qui lui est faite :

« Éther divin, vents à l’aile rapide, eaux des fleuves, sourire

innombrable des vagues marines, Terre, mère des êtres, et toi,

Soleil, œil qui vois tout, je vous invoque ici :

voyez ce qu’un dieu souffre par les dieux! »ii

Dans cette traduction qui date de 1920, Paul Mazon a choisi de traduire le vers 90 (ποντίων τε κυμάτων άνήριθμον γέλασμα) par « sourire innombrable des vagues marines ». Il traduit le mot grec γέλασμα par « sourire ». Or ce terme vient du verbe γελάω, qui signifie « rire », et non « sourire ». Rire et sourire sont loin d’être équivalents. Le sourire est un phénomène silencieux, le rire possède une dimension sonore et bruyante, qui convient à l’incessante rumeur des flots.

Le mot γέλασμα (gelasma) est un hapax, comme on en trouve plusieurs chez Eschyle. Le substantif dérivé du verbe γελάω et correspondant au mot «rire» est en effet γέλως (gelôs) et non γέλασμα. Le suffixe utilisé dans ce dernier terme ne semble toutefois pas correspondre à un diminutif susceptible de donner un sens équivalent à «sourire». En effet, ce dernier terme existe en grec sous la forme ὑπoγελάω (hypogelao), où le préfixe ὑπo a une valeur atténuante comme dans le latin «sub-ridere» qui a donné le français «sous-rire» (sourire). Toutefois, il existe aussi une racine indo-européenne *(s)mei- signifiant sourire, qui a donné en grec μειδιάω et en anglais smile. Une hypothèse osée serait qu’Eschyle aurait combiné ici les racines γέλας + μει pour fabriquer une sorte de mot-valise équivalant à rire-sourire. iii

Cela n’épuise pas le sens de la métaphore. Il faut savoir que le verbe γελάω (gelaô), tout comme les mots γέλασμα (gelasma) et γέλως (gelôs) ont pour racine γελ (gel-) qui signifie « être clair, briller »i. Dans la langue grecque, d’ailleurs, fort abondants sont les mots et les racines qui dénotent la lumière, son éclat, sa splendeur, sa brillance. La racine γελ (gel-) et ses deux autres formes γαλ (gal-) et γλη (glê-) ont donné par exemple les mots aglaos, luisant, galênê, temps calme, gala, lait, glênos, objet brillant, glênê, prunelle de l’oeil, glaukos, brillant.

L’idée d’Eschyle, donc, était d’allier dans une seule image le rire et la lumière de la mer au soleil.

Eschyle fait du rire marin le témoin des malheurs du Titan enchaîné.

Baudelaire dit que le rire de la mer est le rire amer de « l’homme vaincu ».

Mais pour Rimbaud, « la mer allée avec le soleil », c’est l’Éternité. L’âme l’avait perdue. Elle est retrouvée.

L’âme avait gardé le château du temps, en l’attendant, – l’éternité.

L’âme animée, en allant dans le temps, en mêlant le néant de sa nuit et la clarté de son jour, l’eau des rêves et le feu des songes, la chercha et la trouva.

Pour ma part, j’ai cherché chez Rimbaud ne serait-ce qu’une parcelle d’éternité, ou l’ombre d’une illumination, et j’ai trouvé quelques étincelles. Je les répands ici, sans d’autre raisons que leurs rimes. Leurs éclairs, leurs lueurs.

« Je vais aux chairs de fruit blettes.

Au sein du sillon je cueille

La doucette et la violette.

Ma faim, Anne, Anne,

Fuis sur ton âne. »iv

« Il est un Dieu qui rit aux nappes damassées

Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or,

Qui dans le bercement des hosannas s’endort »v

« L’âme des vieux soleils s’allume emmaillotée

Dans ces tresses d’épis où fermentaient les grains. »vi

« Tels que les excréments chauds d’un vieux colombier,

Mille Rêves en moi font de douces brûlures ;

Puis par instants mon cœur tendre est comme un aubier

Qu’ensanglante l’or jeune et sombre des coulures. »vii

« Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays,

Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas). »viii

« La douceur fleurie des étoiles, et du ciel, et du reste descend en face du talus, comme un panier, contre notre face, et fait l’abîme fleurant et bleu là-dessous. »ix

« Tels qu’un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses. »x

« Il est l’affection et l’avenir, la force et l’amour que nous, debout dans les rages et les ennuis, nous voyons passer dans le ciel de tempête et les drapeaux d’extase. Il est l’amour, mesure parfaite et réinventée, raison merveilleuse et imprévue, et l’éternité : machine aimée des qualités fatales. »xi

« Petite veille d’ivresse, sainte! quand ce ne serait que pour le masque dont tu nous a gratifiés. Nous t’affirmons, méthode! Nous n’oublions pas que tu as glorifié hier chacun de nos âges. Nous avons foi au poison. Nous savons donner notre vie tout entière tous les jours.

Voici le temps des Assassins. »xii

« Je reconnus la déesse (…) je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois. »xiii

« Il y une cathédrale qui descend et un lac qui monte.

Je suis le saint, en prière sur la terrasse, comme les bêtes paissent jusqu’à la mer de Palestine. »xiv

« Qu’a-t-on fait du brahmane qui m’expliqua les Proverbes?

Je vous indiquerais les richesses inouïes. J’observe l’histoire des trésors que vous trouvâtes. Je vois la suite! Ma sagesse est aussi dédaignée que le chaos. Qu’est mon néant, auprès de la stupeur qui vous attend?

Je suis réellement d’outre-tombe, et pas de commissions. »xv

Rimbaud est réellement d’outre-tombe. Il est temps d’aller lui rendre visite. Mais avant, faisons un détour par la piscine du Temple de Jérusalem :

« C’est là que Jésus fit la première action grave ; avec les infâmes infirmes »xvi.

Le miracle a eu lieu. Maintenant, allons en enfer.

« Je parvins à faire s’évanouir dans mon esprit toute l’espérance humaine.

Sur toute joie pour l’étrangler j’ai le fait bond sourd de la bête féroce.

Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l’air du crime. Et j’ai joué de bons tours à la folie. Et le printemps m’a apporté l’affreux rire de l’idiot.

‘Tu resteras hyène, etc..’, se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. ‘Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux’.

Nous allons à l’Esprit. C’est très certain, c’est oracle ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m’expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire.

Le sang païen revient ! L’Esprit est proche : pourquoi Christ ne m’aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté. Hélas! l’Évangile a passé! l’Évangile! l’Évangile.

J’attends Dieu avec gourmandise. Je suis de race inférieure de toute éternité.

Connais-je encore la nature? me connais-je? — Plus de mots. J’ensevelis les morts dans mon ventre. Cris, tambour, danse, danse, danse, danse ! Je ne vois même pas l’heure où les blancs débarquant, je tomberai au néant. Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse .

J’ai reçu au cœur le coup de la grâce. Ah! je ne l’avais pas prévu !

La raison m’est née. Le monde est bon. Je bénirai la vie. J’aimerai mes frères. Ce ne sont plus des promesses d’enfance. Ni l’espoir d’échapper à la vieillesse et à la mort. Dieu fait ma force et je loue Dieu.

Je ne me crois pas embarqué pour une noce avec Jésus-Christ pour beau-père. Je ne suis pas prisonnier de ma raison. J’ai dit : Dieu. Je veux la liberté dans le salut : comment la poursuivre ? Les goûts frivoles m’ont quitté. Plus besoin de dévouement ni d’amour divin.

Farce continuelle ! Mon innocence me ferait pleurer. La vie est la farce à mener par tous. »xvii

Dans l’enfer, c’est la nuit.

« Je me crois en enfer, donc j’y suis.

Et dire que je tiens la vérité, que je vois la justice : j’ai un jugement sain et arrêté, je suis prêt pour la perfection… Orgueil. — La peau de ma tête se dessèche. Pitié ! Seigneur, j’ai peur. J’ai soif, si soif! Ah! l’enfance, l’herbe, la pluie, le lac sur les pierres, le clair de lune quand le clocher sonnait douze… le diable est au clocher, à cette heure. Marie! Sainte Vierge !… — Horreur de ma bêtise.

Les hallucinations sont innombrables.

Je m’en tairai : poètes et visionnaires seraient jaloux. Je suis mille fois le plus riche, soyons avare comme la mer. Ah çà! l’horloge de la vie s’est arrêtée tout à l’heure. Je ne suis plus au monde. — La théologie est sérieuse, l’enfer est certainement en bas — et le ciel en haut. — Extase, cauchemar, sommeil dans un nid de flammes.

Je vais dévoiler tous les mystères : mystères religieux ou naturels, mort, naissance, avenir, passé, cosmogonie, néant. Je suis maître en fantasmagories. Écoutez!…

Décidément, nous sommes hors du monde.

C’est le tombeau, je m’en vais aux vers, horreur de l’horreur! Satan, farceur, tu veux me dissoudre, avec tes charmes.

Ah ! remonter à la vie! Jeter les yeux sur nos difformités. Et ce poison, ce baiser mille fois maudit! Ma faiblesse, la cruauté du monde! Mon Dieu, pitié, cachez-moi, je me tiens trop mal ! —Je suis caché et je ne le suis pas.

C’est le feu qui se relève avec son damné. »xviii

Rimbaud tombe dans des délires, – non les siens, mais ceux de son compagnon d’enfer, – qui est aussi une « vierge folle ». Serait-ce Verlaine, cet « époux infernal » ? Cela y ressemble.

« Écoutons la confession d’un compagnon d’enfer : ‘O divin Époux, mon Seigneur, ne refusez pas la confession de la plus triste de vos servantes. Je suis perdue. Je suis soûle. Je suis impure. Quelle vie ! Pardon, divin Seigneur, pardon ! Ah ! pardon ! Que de larmes ! Et que de larmes encore plus tard, j’espère ! Plus tard, je connaîtrai le divin Époux ! Je suis née soumise à Lui. — L’autre peut me battre maintenant ! « A présent, je suis au fond du monde! O mes amies!… non, pas mes amies… Jamais délires ni tortures semblables… Est-ce bête ! (…)

Je suis esclave de l’Époux infernal, celui qui a perdu les vierges folles. C’est bien ce démon-là. Ce n’est pas un spectre, ce n’est pas un fantôme. Mais moi qui ai perdu la sagesse, qui suis damnée et morte au monde, — on ne me tuera pas ! Comment vous le décrire ! Je ne sais même plus parler. Je suis en deuil, je pleure, j’ai peur. Un peu de fraîcheur. Seigneur, si vous voulez, si vous voulez bien ! « Je suis veuve… — J’étais veuve… — mais oui, j’ai été bien sérieuse jadis, et je ne suis pas née pour devenir squelette!… — Lui était presque un enfant… Ses délicatesses mystérieuses m’avaient séduite. J’ai oublié tout mon devoir humain pour le suivre. Quelle vie ! La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde. Je vais où il va, il le faut. Et souvent il s’emporte contre moi, moi la pauvre âme. Le Démon ! —C’est un démon, vous savez, ce n’est pas un homme. Il dit : ‘Je n’aime pas les femmes. L’amour est à réinventer, on le sait. Elles ne peuvent plus que vouloir une position assurée.’

Enfin sa charité est ensorcelée, et j’en suis la prisonnière. Aucune autre âme n’aurait assez de force, — force de désespoir ! — pour la supporter, — pour être protégée et aimée par lui. D’ailleurs, je ne me le figurais pas avec une autre âme : on voit son Ange, jamais l’Ange d’un autre, —je crois. J’étais dans son âme comme dans un palais qu’on a vidé pour ne pas voir une personne si peu noble que vous : voilà tout. Hélas ! je dépendais bien de lui. Mais que voulait-il avec mon existence terne et lâche ? Il ne me rendait pas meilleure, s’il ne me faisait pas mourir ! Tristement dépitée, je lui dis quelquefois : ‘Je te comprends.’ Il haussait les épaules.

Parle-t-il à Dieu ? Peut-être devrais-je m’adresser à Dieu. Je suis au plus profond de l’abîme, et je ne sais plus prier. S’il m’expliquait ses tristesses, les comprendrais-je plus que ses railleries ? Il m’attaque, il passe des heures à me faire honte de tout ce qui m’a pu toucher au monde, et s’indigne si je pleure. —Tu vois cet élégant jeune homme, entrant dans la belle et calme maison : il s’appelle Duval, Dufour, Armand, Maurice, que sais-je ? Une femme s’est dévouée à aimer ce méchant idiot : elle est morte, c’est certes une sainte au ciel, à présent. Tu me feras mourir comme il a fait mourir cette femme. C’est notre sort, à nous, cœurs charitables…

— Puis, il reprenait ses manières de jeune mère, de sœur aimée. S’il était moins sauvage, nous serions sauvés! Mais sa douceur aussi est mortelle. Je lui suis soumise. — Ah! je suis folle !

Un jour peut-être il disparaîtra merveilleusement ; mais il faut que je sache, s’il doit remonter à un ciel, que je voie l’un peu l’assomption de mon petit ami!’

Drôle de ménage ! »xix

Rimbaud parle de ses enfers, de son époux infernal, mais aussi de son art, de son « alchimie » et de ses hallucinations.

« Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie moderne.

J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges.

La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe. Je m’habituai à l’hallucination simple : je voyais très franchement une mosquée à la place d’une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d’un lac ; les monstres, les mystères ; un titre de vaudeville dressait des épouvantes devant moi. Puis j’expliquai mes sophismes magiques avec l’hallucination des mots !

Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit. J’étais oisif, en proie à une lourde fièvre : j’enviais la félicité des bêtes, — les chenilles, qui représentent l’innocence des limbes, les taupes, le sommeil de la virginité !

Enfin, ô bonheur, ô raison, j’écartai du ciel l’azur, qui est du noir, et je vécus, étincelle d’or de la lumière nature. De joie, je prenais une expression bouffonne et égarée au possible :

Elle est retrouvée !

Quoi ? l’éternité.

C’est la mer mêlée

Au soleil.

Je devins un opéra fabuleux : je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur : l’action n’est pas la vie, mais une façon de gâcher quelque forcé, un énervement. La morale est la faiblesse de la cervelle.

A chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues. Ce monsieur ne sait ce qu’il fait : il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens. Devant plusieurs hommes, je causai tout haut avec un moment d’une de leurs autres vies. — Ainsi, j’ai aimé un porc.

Aucun des sophismes de la folie, — la folie qu’on enferme, — n’a été oublié par moi : je pourrais les redire tous, je tiens le système.

Je dus voyager, distraire les enchantements assemblés sur mon cerveau. Sur la mer, que j’aimais comme si elle eût dû me laver d’une souillure, je voyais se lever la croix consolatrice. J’avais été damné par l’arc-en-ciel. Le Bonheur était  » ma fatalité, mon remords, mon ver : ma vie serait toujours trop immense pour être dévouée à la force et à la beauté. Le Bonheur ! Sa dent, douce à la mort, m’avertissait au chant du coq, — ad matutinum, au Christus venit — dans les plus sombres villes :

O saisons, ô châteaux !

Quelle âme est sans défauts ?

J’ai fait la magique étude

Du bonheur, qu’aucun n’élude.

Cela s’est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté. »xx

Le plus important, ce dont tout dépend, c’est l’éveil de l’esprit.

« Mon esprit, prends garde. Pas de partis de salut violents. Exerce-toi ! —Ah ! la science ne va pas assez vite pour nous ! — Mais je m’aperçois que mon esprit dort. S’il était bien éveillé toujours à partir de ce moment, nous serions bientôt à la vérité, qui peut-être nous entoure avec ses anges pleurant!… — S’il avait été éveillé jusqu’à ce moment-ci, c’est que je n’aurais pas cédé aux instincts délétères, à une époque immémoriale!… — S’il avait toujours été bien éveillé, je voguerais en pleine sagesse !… O pureté ! pureté ! C’est cette minute d’éveil qui m’a donné la vision de la pureté ! Par l’esprit on va à Dieu !

Déchirante infortune ! »xxi

Qu’y a-t-il à ajouter ? Rien, sinon que, cela est sûr, le Poète sait ce dont il parle.

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iSur le manuscrit des Fleurs du mal, Baudelaire avait fait précéder son poème d’une épigraphe qui reprenait précisément le vers 90 du Prométhée enchaîné.

iiώ δϊος αίθήρ και ταχύπτεροι πνοαί,

ποταμών τε πηγαί ποντίων τε κυμάτων

άνήριθμον γέλασμα παμμήτόρ τε γη,

και τον πανόπτην κύκλον ηλίου καλώ (Prométhée, 88-91)

iiiChristian Vandendorpe. La traduction et l’air du temps. https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/12824/2/traduction.html

ivArthur Rimbaud. Les Illuminations. Vers nouveaux et chansons. « Fêtes de la faim »

vArthur Rimbaud. Premiers vers. « Le mal »

viArthur Rimbaud. Premiers vers. « Les assis »

viiArthur Rimbaud. Premiers vers. « Oraison du soir »

viiiArthur Rimbaud. Les Illuminations. Poèmes en prose. « Barbare »

ixArthur Rimbaud. Les Illuminations. Poèmes en prose. « Mystique »

xArthur Rimbaud. Les Illuminations. Poèmes en prose. « Fleurs »

xiArthur Rimbaud. Les Illuminations. Poèmes en prose. « Génie »

xiiArthur Rimbaud. Les Illuminations. Poèmes en prose. « Matinée d’ivresse »

xiiiArthur Rimbaud. Les Illuminations. Poèmes en prose. « Aube »

xivArthur Rimbaud. Les Illuminations. Poèmes en prose. « Enfance »

xvArthur Rimbaud. Les Illuminations. Poèmes en prose. « Vies »

xviArthur Rimbaud. Une Saison en Enfer. Prologue abandonné.

xviiArthur Rimbaud. Une Saison en Enfer. « Mauvais sang ».

xviiiArthur Rimbaud. Une Saison en Enfer. « Nuit de l’enfer »

xixArthur Rimbaud. Une Saison en Enfer. « Vierge folle, l’époux infernal ».

xxArthur Rimbaud. Une Saison en Enfer. « Alchimie du verbe ».

xxiArthur Rimbaud. Une Saison en Enfer. « L’impossible »