
Les chrétiens fêtent Noël le 25 décembre. Pourquoi cette date particulière? Elle fut empruntée au culte de Mithra. La date de la fête chrétienne de Pâques coïncide aussi avec celle d’une autre fête païenne, celle du culte d’Atys et de Cybèle, qui avait lieu au moment de l’équinoxe du printemps. Cette grande fête phrygienne commençait le 24 mars. Elle était appelée le « jour du sang ».
Pour leur part, les Juifs célébraient au début du printemps la fête de Pessah en sacrifiant un agneau, en souvenir de l’Exode. Les musulmans devaient, plus d’un millénaire et demi tard, reprendre la symbolique du sacrifice du mouton lors de l’Aïd el Kebir, en souvenir du sacrifice de son fils demandé par Dieu à Abraham. Les musulmans pensent que c’est Ismaël (le fils de sa concubine Agar) que Dieu avait demandé à Abraham de sacrifier. La Bible juive indique qu’il s’agissait d’Isaac, le fils premier-né d’Abraham et de Sara. Les musulmans, assez tard venus dans l’histoire des religions, accusent les Juifs d’avoir falsifié les Écritures à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, le sang d’un animal (taureau, agneau, mouton) doit couler chez les adeptes d’Atys et Cybèle comme les juifs et chez les musulmans.
On constate que des religions diverses, païennes et monothéistes, trouvaient le printemps fort propice à leurs dévotions, apparemment, et qu’elles partageaient un certain attrait pour la symbolique du sang versé.
Le sang coule, mais le sens est différent.
Le « jour du sang » d’Atys et Cybèle était le jour où les prêtres impétrants et néophytes devaient s’émasculer volontairement. « Ils jetaient ces parties retranchées d’eux-mêmes sur la statue de la déesse Cybèle. On enterrait ces instruments de fertilité dans la terre, dans des chambres souterraines consacrées à Cybèle. » explique James George Frazer.i
On procédait après coup aux cérémonies d’initiation. « Le fidèle couronné d’or et entouré de bandelettes descendait dans une fosse recouverte d’une grille. On y égorgeait un taureau. Le sang chaud et fumant se répandait en torrents sur l’adorateur. »ii
L’initié passait la nuit, seul, dans la fosse sanglante. Le lendemain, le 25 mars, on célébrait la résurrection divine.
Les prêtres châtrés d’Atys étaient appelés les « galles », en référence au fleuve Gallus en Galatie. Rien d’exceptionnel à la castration des prêtres. Artémis à Éphèse ou Astarté à Hiéropolis en Syrie étaient aussi servies par des prêtres eunuques. Divinité phrygienne, Atys est à la fois le fils et l’amant de Cybèle. Cette situation peut se comparer à celle d’Adonis, associé à Aphrodite-Astarté ou à Tammuz, parèdre d’Ishtar.
La mythologie nous renseigne sur l’origine de ce culte sanglant. Zeus a donné naissance à l’hermaphrodite Agdistis, en laissant couler son sperme à terre, ensemençant ainsi Gaïa, la Terre. Mais les autres dieux effrayés par cet étrange hermaphrodite, à la fois homme et femme, l’émasculent. Privé de son sexe mâle, Agditsis devient alors Cybèle.
Selon Pausanias, du sang qui coula de la blessure de l’émasculation, naquit l’amandier. Puis, d’une amande de cet arbre, Nana, fille du dieu-fleuve Sangarios, conçut Atys. Atys devint un beau jeune homme. Cybèle, qui était en quelque sorte son géniteur, par amande interposée, tomba amoureuse de lui. Mais Atys devait épouser la fille du roi de Pessinus. Jalouse, Cybèle le frappa de folie. Alors Atys s’émascula lui aussi. Regrettant son acte, Agdistis-Cybèle obtint de Zeus que le corps d’Atys ne se décompose jamais.
Il est assez tentant de faire un rapprochement (purement analogique) entre le mythe d’Atys et Cybèle, le sacrifice de l’agneau pendant la Pâque juive, et le sacrifice du Christ suivi de sa résurrection chez les Chrétiens.
Le sacrifice du taureau dans le culte d’Atys et Cybèle (lui-même hérité de traditions certainement bien plus anciennes, comme en témoigne le Véda) fait couler le sang sur le néophyte qui doit passer la nuit dans un caveau aux allures de tombeau, pour ressusciter symboliquement le lendemain en tant qu’initié aux mystères.
Le Christ, « l’Agneau de Dieu », a été mis à mort le premier jour de la Pâque juive, son sang a coulé, puis il a été mis au tombeau pour ressusciter le 3ème jour. L’analogie paraît patente. Les différences abondent aussi. Le culte d’Atys et de Cybèle ne demandait pas le sacrifice de l’homme, mais seulement celui de ses parties, avec en complément le sacrifice du taureau.
Il y a un indubitable point commun entre les mystères d’Atys et de Cybèle, l’ancienne fête de Pessah du judaïsme, les Pâques du christianisme et l’Aïd el kebir de l’islam: le sang y coule, réellement ou symboliquement, celui du taureau, de l’agneau ou du mouton, le sang du sexe tranché des prêtres, ou encore le sang du Christ.
Le sang coule. Pour quelle soif?
iJames George Frazer. Atys et Osiris. Étude de religions orientales comparées. 1926
ii Ibid.
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