Le feu des mots et la cendre des sens


« Si un lion pouvait parler nous ne pourrions le comprendre » écrit Wittgenstein dans ses Investigations philosophiques.

Et si c’était un thon, un nid de crotales, un vol d’étourneaux ? Un tas de poussière, un bloc de granite, un amas de galaxies ? Ou encore un prion, un plasmide, un proton ? Un ange, un séraphin, ou Dieu même ?

Pouvons-nous comprendre ce qui n’est pas nous?

Le pessimisme prime en la matière. La grammaire léonine est sans doute plus simple que la grecque ou la sanskrite. Mais le monde du lion ? Le broiement des mâchoires ? Les odeurs du sang, les effluves de la steppe ?

Quid du rêve de la mouche ? Du souci du photon? De la peine de l’ange ? Tout cela n’est-il pas, irrémédiablement, hors de toute syntaxe, de tout lexique ?

Si un million de Champollions s’efforçaient de déchiffrer le rugissement du félin, le vibrato du lézard, y aurait-il quelque espoir ? Ne pourrait-on pas trouver un jour quelque pierre de Rosette traduisant des équivalences parmi les vivants?

Peut-être un jour. Qui sait ?

Il faudrait commencer par comprendre les hommes quand ils parlent. Si nous pouvions vraiment nous comprendre nous-mêmes, alors nous comprendrions mieux peut-être tout ce que nous ne comprenons pas dans l’univers, son sens obscur?

Dans la parole humaine, il y a des palimpsestes ignorés, impavides. Les mots ont des reflets sombres et luisants, éclats amortis d’un feu latent, d’une lumière de sens inaudibles, inespérables, et pourtant couvant, sous la cendre des phrases.

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