L’anthropologie comparée des religions repose sur l’intuition qu’elles possèdent un socle commun, originaire, ou du moins qu’elles partagent des analogies frappantes.
Mais ces analogies sont-elles véritablement signifiantes, révèlent-elles des invariants structurels, cachés sous la diversité des formes apparentes?
Est-il légitime de rapprocher et de comparer, aujourd’hui, d’un point de vue anthropologique, le culte du Dieu Osiris, roi de la Mort, le sacrifice du Purusa dans le Véda, l’immolation d’Isaac exigée d’Abraham par YHVH, la mort humiliante de Jésus sur la croix ?
Malgré toutes les différences, évidentes, ces exemples n’offrent-ils pas certains points communs, qui transcendent les époques, les civilisations, les particularités ?
Dans ces cas, la mort d’un innocent, la divinité abaissée dans l’humanité.
Si oui, alors cela ouvre la porte à une anthropologie du divin en nous.
C’est une époque paradoxale que la nôtre.
La religion semble jouer un grand rôle en certaines parties du monde, par exemple au sud de la Méditerranée, ou au Moyen Orient. Mais ailleurs, dans une bonne partie de l’Europe, on constate au contraire un affaiblissement du sentiment religieux, ou, du moins, de la religiosité conventionnelle.
D’un côté, on observe que des formes extrêmes de violence religieuse, de fanatisme même, et d’affirmation identitaire basée sur la foi religieuse, font des millions de victimes, modifient la carte du monde, provoquent des émigrations de masse, aux conséquences géopolitiques mondiales.
D’un autre côté, scepticisme, matérialisme, agnosticisme, athéisme fleurissent, remplaçant des dogmes anciens, désormais difficiles à accepter sans critique, par le discours de l’« humanisme », s’appuyant sur des acquis divers comme la « laïcité », de la « tolérance » .
C’est une ligne de fracture globale, qui passe en chaque société, et se dessine chaque jour sur la carte du monde.
D’un côté des peuples se laissent plus ou moins emporter par la passion religieuse. De l’autre des populations entières, jadis soumises à l’esprit religieux, semblent s’en éloigner, et même le dédaigner – oubliant la fureur fanatique qui avait pu les submerger à des époques antérieures.
Ces lignes globales, religieuses et géopolitiques, de quoi sont-elles les symptômes ?
En étudiant les religions anciennes, leurs fondements, leurs croyances et leurs dérives, on peut, me semble-t-il, apporter une contribution à cette question. On peut espérer discerner des tendances fondamentales dans les cultures humaines, tendances repérables sous une forme ou une autre à toutes les époques historiques, et actives aujourd’hui encore.
Si l’on peut dégager quelques tendances, quelques principes, on aura fait un pas important.
Le contexte de l’analyse est essentiel. La crise de l’« anthropocène » a commencé. On lui a donné un nom géologique, pour mettre en lumière son importance à l’échelle de l’histoire longue de la Terre. C’est une période cruciale, et peut-être même une nouvelle période « axiale » de l’histoire de l’humanité.
Tout progrès, même infime, dans l’analyse anthropologique de la « crise de l’esprit », serait d’une importance incommensurable.
Les sceptiques, les matérialistes, les agnostiques, les athées et les incroyants partagent, bien malgré eux sans doute, certains invariants anthropologiques avec les « croyants ». Simplement, ils ne croient pas aux mêmes dieux. Ils ne croient pas à des dieux qui auraient le nom de dieux. Mais ils croient à des dieux qui sont des abstractions, des idées, ou même des absences d’idées, comme le néant de toute croyance.
Structurellement il s’agit du même mécanisme fondamental. Ces dieux abstraits, ces dieux-idées, ou ces dieux du néant, notons-le bien, ont d’ailleurs existé dans certaines religions. Le Zend Avesta par exemple avait inventé des dieux incarnant de pures abstractions comme la « bonne pensée ».
Il vaut également la peine de noter que les sceptiques, les matérialistes, les agnostiques, les athées et les incroyants ont aussi leurs victimes expiatoires, leurs boucs émissaires. Ils n’hésitent pas non plus à faire mourir leurs propres dieux en holocauste, sur la croix de leurs doutes.
Si une anthropologie des religions est possible, alors elle en révélera infiniment plus sur l’humain (croyant ou non) que sur le divin.
Nixey, C. (2017). The Darkening Age: The Christian Destruction of the Classical World. Pan Macmillan UK.
https://books.google.be/books/about/The_Darkening_Age.html?id=av4sDwAAQBAJ&redir_esc=y
A bold new history of the rise of Christianity, showing how its radical followers ravaged vast swathes of classical culture, plunging the world into an era of dogma and intellectual darkness In Harran, the locals refused to convert. They were dismembered, their limbs hung along the town’s main street. In Alexandria, zealots pulled the elderly philosopher-astronomer Hypatia from her chariot and flayed her to death with shards of broken pottery. Not long before, their fellow Christians had invaded the city’s greatest temple and razed it-smashing its world-famous statues and destroying all that was left of Alexandria’s Great Library. Today, we refer to Christianity’s conquest of the West as a « triumph. » But this victory entailed an orgy of destruction in which Jesus’s followers attacked and suppressed classical culture, helping to pitch Western civilization into a thousand-year-long decline. Just one percent of Latin literature would survive the great purge; countless antiquities, artworks, and ancient traditions were lost forever. As Catherine Nixey reveals, evidence of early Christians’ campaign of terror has been hiding in plain sight: in the palimpsests and shattered statues proudly displayed in churches and museums the world over. In The Darkening Age, Nixey resurrects this lost history, offering a wrenching account of the rise of Christianity and its terrible cost.
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