La question du voile


 

Il y a de fortes raisons de mettre un voile, dans certaines circonstances. On lit par exemple: « Alors Moïse se voilà la face, car il craignait de fixer son regard sur Dieu. »i

Ou encore : « Quand Moïse eut fini de leur parler, il mit un voile sur son visage. »ii

Dans ces deux cas, le voile se justifie, pour des motifs fort différents.

Mais il y a des occasions où, clairement, il faut enlever le voile. Par exemple : « Lorsque Moïse entrait devant Yahvé pour parler avec lui, il ôtait le voile jusqu’à sa sortie. »iii

Comment expliquer que Moïse se voile parfois, et que parfois il se dévoile, quand il est en présence de Dieu ?

Moïse, me semble-t-il, fait une différence essentielle entre le fait de regarder et celui de prendre la parole.

Pour faire court, cette différence est la suivante : le regard tue, la parole fait vivre.

Il est certain qu’il y a un danger mortel à « voir » la face de Dieu. « L’homme ne peut me voir et vivre. »iv

Pour pallier ce risque, Moïse ne regarde que le « dos » de Dieu, ou bien la « nuée » dans laquelle Il se cache.

Au contraire, la parole est l’instrument même de la prophétie. Non seulement elle ne tue pas, mais elle fait vivre.

Dotée d’une majuscule, la Parole est Sagesse, Verbe, Logos. Elle est placée à la droite de Dieu. Elle nomme le Nom. Elle énonce la Loi.

A l’extrême, elle est « cri ».

On lit : « Yahvé passa devant lui et cria : ‘Yahvé, Yahvé, Dieu de tendresse et de pitié !’ »v

Pourquoi Dieu crie-t-il trois fois son nom à Moïse ?

Pourquoi crie-t-il deux fois de suite son nom YHVH, et crie-t-il une troisième fois son nom EL, avec les deux attributs « miséricordieux » et « clément »?

Ces trois cris ne s’adressent pas à Moïse seulement.

Il doivent être entendus, longtemps après, par tous ceux qui n’étaient pas là, – toute l’humanité à venir.

Pour qu’ils soient entendus après Moïse, il fallait peut-être qu’ils soient criés, mais surtout qu’ils soient écrits.

C’est pourquoi Yahvé dit: « Mets par écrit ces paroles »vi.

Des paroles, des cris, de l’écrit.

Si Moïse avait mis un voile, il n’aurait pas « vu », et il aurait surtout assez mal « entendu », peut-on conjecturer.

Moïse n’avait pas la parole facile.vii Avec un voile sur le visage, il aurait été plus gêné encore pour parler de façon audible.

Le voile aurait été une barrière à l’échange. Il ne s’imposait donc pas, il était même fortement déconseillé.

D’autant que l’environnement de l’entrevue était fort bruyant. « Moïse parlait et Dieu lui répondait dans le tonnerre. »viii

Auparavant, Moïse avait mis un voile sur son visage par peur de mourir devant la Face, ou bien lorsqu’il avait voulu cacher aux Israélites son visage qui « rayonnait ».

Le voile était nécessaire dans ces circonstances, comme une défense (contre la mort) ou comme une pudeur (contre la jalousie du peuple).

Mais quand il s’est agi de parler, d’entendre, d’écrire, alors Moïse a enlevé le voile.

Il vaut sans doute mieux suivre son exemple, à l’école, puisqu’il s’agit de parler, d’entendre et d’écrire…

i Ex. 3,6

ii Ex. 34,33

iii Ex. 34, 34

iv Ex. 33,20

v Ex. 34,6

vi Ex. 34,27

vii Ex. 6,30

viii Ex.19,19

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