Les prières du Zend-Avesta sont adressées aux Gâthâs, qui ne sont en réalité que des divinités intermédiaires. Le Yasna dit à leur sujet: « Tous les mondes, les corps, les os, les forces vitales, les formes, les forces, la conscience, l’âme, la Phravaṣi, nous les offrons et présentons aux Gâthâs, saints, seigneurs du temps, purs ; aux Gâthâs qui sont pour nous des soutiens, des protecteurs, une nourriture de l’esprit. »i
Il ne faut pas perdre de vue que le Zend-Avesta révère avant tout un Seigneur des seigneurs, un Dieu unique, qui règne fort au-dessus des Gâthâs. Le nom de ce Dieu est Ahura Mazda, appelé également, en pehlevi, ou moyen persan, Ormuzd.
En avestique qui est la langue iranienne ancienne, Ahura signifie « seigneur ». Mazda signifie « grandement savant ». L’éminent Burnouf décompose le mot mazda en maz – dâ. Maz est un superlatif, et dâ signifie « connaître ». En persan moderne, dânâ signifie « savant ». Il y a aussi un équivalent en sanskrit : « mêdhas ».
Lorsqu’il est interrogé par Zoroastre sur le sens de son Nom (un peu comme le fera, quatre ou cinq siècles plus tard, Moïse sur la montagne, face à YHVH), Ahura Mazda déclare dans le premier Yast: « Mon nom est le souverain, mon nom est le grand savant ». Tout se passe comme si toute la sagesse, toute la connaissance résidait dans le Nom de Dieu.
Les adeptes du Zend Avesta appellent également Ahura Mazda d’un autre nom, Spenta Mainyu, soit mot à mot : « le Saint Esprit ».
La question des noms de Dieu est fort importante, par ses implications. C’est pourquoi Zoroastre ne s’en tient pas à cette réponse et continue d’interroger Ahura Mazda. Il le presse de révéler ce qu’il y a de plus puissant, de plus efficace contre les démons, rangé sous la bannière de l’Esprit du Mal, Aṅra Mainyu (en pehlevi : Ahriman).
Ahura Mazda répond que ce sont les noms qu’il porte.
« Mon nom est Celui qu’il faut interroger ; je m’appelle en deuxième lieu le Chef des troupeaux ; le Propagateur de la loi ; la Pureté excellente ; le Bien d’origine pure ; l’intelligence ; Celui qui comprend ; le Sage ; l’Accroissement ; Celui qui s’accroît ; le Seigneur ; Celui qui est le plus utile ; Celui qui est sans souffrance ; Celui qui est solide ; Celui qui compte les mérites ; Celui qui observe tout ; l’Auxiliateur ; le Créateur ; l’Omniscient (le Mazdâ) (…).
Retiens et prononce ces noms jour et nuit. Je suis le Protecteur, le Créateur, le Sustentateur, le Savant, l’Être céleste très-saint. Mon nom est l’Auxiliaire, le Prêtre, le Seigneur ; je m’appelle Celui qui voit beaucoup, Celui qui voit au loin. Je m’appelle le Surveillant, le Créateur, le Protecteur, le Connaisseur. Je m’appelle Celui qui accroît ; je m’appelle le Dominateur, Celui qu’on ne doit pas tromper, celui qui n’est pas trompé ; je m’appelle le Fort, le Pur, le Grand ; je m’appelle Celui qui possède la bonne science.
Celui qui retient et prononce ces noms échappera aux attaques des démons. »ii
On note au passage l’analogie évidente de ces lignes avec des textes comparables, mais beaucoup plus tardifs, du judaïsme, et plus tardifs encore de l’islam.
L’Avesta possède tous les caractères d’une religion révélée. Tout d’abord, c’est Dieu (Ahura Mazda) qui s’est lui-même initialement révélé aux Mazdéens. Ensuite, l’Avesta se réfère à un grand prophète, Zoroastre, qui se targue d’avoir servi d’intermédiaire entre Dieu et l’homme, et qui a été le grand réformateur du mazdéisme. Les travaux scientifiques les plus récents attestent que Zoroastre vécut antérieurement à Abraham, entre 1400 et 1100 av. J.-C.. Il fut le prophète qui transforma le dualisme initial du mazdéisme et la multiplicité des divers gâthâs en un monisme absolument transcendantal, après en avoir discuté directement avec Ahura Mazda, tel un Moïse avestique, – plusieurs siècles avant le Moïse hébreu.
Je tire de ces faits établis la conjecture suivante.
De deux choses l’une :
Ou bien ce « monde d’en-haut », ce monde du divin, dont on tente, dans la longue histoire des idées religieuses, de cerner les variations, les analogies et les anagogies, les ressemblances et les échos, n’existe tout simplement pas. Le monde est vide, il n’y a aucun Dieu, et ce sont les matérialistes qui ont raison à 100%. Alors les guerres de religion, les sacrifices, les martyrs, les passions de la croyance, et tout le sang répandu aujourd’hui, hier et demain, sont autant de facettes d’une sinistre farce jouée par des crapules ou des politiques machiavéliques aux dépens de l’insondable naïveté des peuples, victimes de leur crédulité et de leur superstition.
Cette farce est continuellement développée et réécrite au long des millénaires par des illuminés, des fous, ou bien des cyniques et des criminels de guerre, tous contribuant à faire de cette terre un lieu sans sens, sans passé et sans avenir. Dans cette vision, le monde serait condamné à l’auto-destruction, au suicide moral et à la violence absolue, aussitôt que la supercherie éventée enfin.
Ou bien le « monde d’en-haut » existe en effet, d’une manière ou d’une autre, mais il échappe à notre perception, à notre compréhension et à notre intellection. C’est le Mystère. Dans cette hypothèse, il y a de bonnes chances que les religions apparues depuis l’aube des temps, comme le shamanisme, le Véda, l’Avesta, le mazdéisme, le zoroastrisme, la magie chaldaïque, l’ancienne religion égyptienne, l’orphisme, le judaïsme, le christianisme, l’islam, loin de pouvoir revendiquer une singularité élective, soient autant d’instances de diverses perceptions et intuitions du divin par l’homme, autant de témoignages de la pluralité des approches possibles du Mystère.
Dans cette interprétation, plus distanciée et non ethnocentrée du fait religieux, chaque religion représente une manière spéciale de concrétiser une particulière émanation divine, plus ou moins adaptée à l’époque et aux peuples qui en font réception.
Il serait alors vain de hiérarchiser les religions entre elles. Il serait plus productif, du point de vue prospectif notamment, de s’interroger sur les relations systémiques entre une époque donnée et la manière dont le fait religieux s’inscrit à ce moment de l’histoire dans le tissu social, culturel, politique, économique.
Ajoutons que l’état général du monde laisse à penser qu’aucune des religions citées plus haut n’est aujourd’hui en mesure de réclamer le monopole de la vérité sur les difficiles questions qu’elles prétendent trancher à leur avantage.
Dans cette hypothèse de l’existence d’un « monde d’en-haut », inaccessible à la raison humaine, et d’un point de vue anthropologique, tout se passe comme si quelque chose de très important mais de parfaitement incompréhensible se jouait depuis des millénaires au sein de l’humanité, avec la complicité active du divin.
Il faudrait faire l’hypothèse que se joue depuis l’aube de l’humanité une sorte de « grand jeu » cosmique, sidéral, dont le sens et la finalité nous échappe manifestement, mais auquel les hommes sont invités à prendre part, dans la mesure de leurs faibles moyens.
L’humanité est composée de générations qui transitent fugacement sur la terre comme des insectes dans la lumière, un soir d’été. Il est donc fort probable que ces générations successives ne peuvent qu’appréhender de manière déficiente, l’indicible enjeu de cet arrangement super-naturel.
Mais il est possible de supputer que les successives générations humaines peuvent de temps à autre engendrer en leur sein des esprits capables de percevoir intuitivement, « imaginalement » comme dirait Corbin, l’enjeu grandiose de cette partie divine.
Tout ce que nous pouvons faire dans une époque comme la notre, et c’est déjà beaucoup, c’est de refuser de nous laisser prendre dans la nasse des idées reçues, refuser les sectarismes, les dogmatismes, les prisons de la pensée et de l’imagination. Nous pouvons activement contribuer à l’édification lente, fragile et provisoire de la religion immanente de l’humanité entière.
iYasna, ch. 54
iiCité par Abel Hovelacque, Avesta, Zoroastre et le mazdéisme. Paris, 1880.
Pour ma part, il y a longtemps que j’ai jeté aux orties le matérialisme, l’idéalisme et l’essentiel du religieux à l’exception notable de la mystique. Je considère que la seule réalité du monde, transcendantal ou pas, c’est le temps, le processus — au sens des anciens on pourrait aussi dire l’âme, la respiration, le souffle, atma.
Je ne comprends pas comment on peut s’obstiner à parler de « matière » un siècle après que l’on ait compris son équivalence avec l’énergie. Je ne comprends pas non plus comment on peut s’obstiner à parler de la matérialité des corps quand depuis Claude Bernard — au moins — on sait que la quasi totalité des la matière qui nous constitue aura été renouvelée dans 3 mois. Nous sommes très évidemment des processus qui s’appuient certes sur la matière, mais sont de nature temporelle — d’ailleurs la matière aussi.
Nous sommes, nous et le reste, de la dentelle de processus, ou bien si l’on veut, du temps, un verbe qui se déploie.
J’en pince pour la sagesse de Maître Eckart et des Béguines rhéno-flammandes : je suis en Dieu et Dieu est en moi.
Ex-sister, qu’il s’agisse de Dieu ou pas, ça ne peut guère que se passer au sein du temps.
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La matière et l’énergie sont deux aspects d’une réalité plus profonde. Cela n’implique pas pour autant qu’elles soient identiques. Par ailleurs la philosophie classique (Platon, Aristote) nous apprend que le concept dual de la matière n’est pas l’énergie mais la « forme ».
La forme est d’une essence totalement différente de la matière ou de l’énergie. Certains l’appellent « l’âme », d’autres notent que seuls l’esprit ou l’intellect peuvent voir ou « comprendre » les formes. La « forme » est indubitablement immatérielle. D’où des propriétés entièrement originales, dont l’éternité, et le possible partage universel, sans perte, avec d’autant plus de puissance que la forme est « comprise » pour ce qu’elle est par un plus grand nombre d’esprits..
La forme est aussi « dans » le temps, mais un aspect de la forme (son paradigme, pourrait-on dire) peut être considéré comme étant hors du temps.
En ce sens le temps est seulement un aspect de l’éternité…
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Bonsoir,
En revisitant l’histoire des grandes découvertes qui nous ont amenés aux prises de conscience contemporaines de l’esprit scientifique expérimental, nous pouvons constater que ce que l’on admet être des ‘avancées’ de la science ne sont en fait qu’un retour en arrière dans l’espace-temps, qu’un déshabillage progressif de notre Univers, et ceci dans le secret espoir que ces dévoilements nous permettent un jour, – ou une nuit … – de faire tomber ce dernier vêtement qui fut le premier voile dont la Nature s’est couverte après la naissance et au cours de l’évolution de notre Univers, autrement dit suite à l’émergence de CE QUI EST dans le Cosmos.
Or nombre de ces grandes envolées théoriques ont été produites dans la solitude d’individus férus d’études et réflexions en ‘autodidactes’ et ayant des capacités intellectuelles et ‘‘d’instinctive synthèse’’ hors du commun.
Imaginons donc qu’un tel individu se présente aujourd’hui. Il a passé sa vie à rêver, à lire, à réfléchir et à s’essayer à la‘‘synthèse’’ des synthèse, donc à évoluer dans l’esprit artistique, philosophique et scientifique. Après les 40 années ‘‘traditionnelles’’ de mise entre parenthèses du monde il est là, ici et maintenant, et est conscient que c’est sa démarche solitaire particulière qui lui
aurait permis de soulever le dernier voile de la réalité et de, en accord avec l’esprit scientifique de notre temps, présenter LA synthèse esthétique et heuristique qui, d’une simplicité extrême et une fois jugée par la communauté savante, devrait mettre tout le monde d’accord sur CE QU’EST le C.O.I des ‘‘quoi !?…’’ autrement dit le Corpuscule-Onde-Information, l’archétype qui s’impose comme le quantum du paradigme unifiant matière, énergie et … langage.
Problème ?
Eh oui, problème il pourrait y avoir ! Et gros qui plus est. Imaginons en effet que le quidam en question ait pu construire son modèle théorique après avoir décelé la contradiction qui empêchait l’unification des théories contradictoires de son époque et ceci après avoir pris conscience que toute la physique s’était construite sur une interprétation par trop ‘simple’ d’une expérience électromagnétique fondatrice ; interprétation simple parce que faite à sa naissance par les parents de la science expérimentale elle-même, puis soutenue dans son ‘‘enfance’’, et pas véritablement revue et corrigée à la lumière des connaissances expérimentales acquises par la suite. C’est dire que les religions n’ont pas l’apanage de ce ‘‘péché’’ des origines … Ainsi pourra-t-on sans aucun doute un jour conclure que la Vérité concernant l’émergence de CE QUI EST est ce qui reste quand tout ce qui était expérimentable l’a été et est enfin connu.
Comme ça, à brûle-pourpoint, il est clair qu’un individu qui aimerait la connaissance, la réflexion, l’invention et qui affirmerait être ainsi arrivé, en absolu ‘‘amateur’’, à découvrir et théoriser ce qui pose question à l’humanité depuis la nuit de ses temps et est aujourd’hui traqué à grands renforts de calculs … et de gros sous dans les plus grands laboratoires du monde serait derechef classé parmi les fous … Mais peut-être le serait-il vraiment, finalement ?
Aussi, déjà vacciné par des expériences vécues et relatées, à qui devrait-il chercher à se confier avec l’espoir d’être entendu, analysé contradictoirement ? À qui le pourrait-il vraiment et sereinement sachant que sans diplômes et autre moyens … d’aujourd’hui ouvrir les portes permettant l’analyse de son œuvre avant toute reconnaissance par la communauté scientifique ce qui suit a été exprimé par quelqu’un qui en avait fait la triste expérience …
Dans son essai Qu’est-ce que l’art ?, l’écrivain russe Léon Tolstoï (1828-1910) a écrit :
«Je sais que la plupart des hommes — non seulement ceux qui sont considérés intelligents, mais même ceux qui sont très intelligents et capables de comprendre les plus difficiles problèmes scientifiques, mathématiques ou philosophiques — peuvent très rarement discerner la vérité même la plus simple et évidente, s’il faut pour cela qu’ils admettent la fausseté des conclusions qu’ils ont formées, et peut-être avec encore plus de difficulté, les conclusions dont ils sont fiers, qu’ils ont enseignées à d’autres, et sur lesquelles ils ont construit leur vie.»
Qui vous lit et sait qu’en plus d’une grande culture vous possédez la formation scientifique permettant sans aucuns doutes d’aborder sereinement les concepts des grandes théories de la physique fondamentale, serait enclin à penser que peut-être vous pourriez être de grands conseils à un tel artiste théoricien ayant passé ses idées au crible de la raison et jugeant que son œuvre s’impose comme arrivée dans les temps … à maturité. Qu’en pensez-vous ?
Sincères salutations.
M&A J.
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