Alphonse-Louis Constant était un ecclésiastique français et une figure controversée de l’occultisme, au 19ème siècle. Auteur d’une œuvre abondante, il prit pour nom de plume Éliphas Lévi, ou Éliphas-Lévi Zahed, qui est une traduction de son nom en hébreu. En 1862, il publia Fables et symboles, ouvrage dans lequel il analyse les symboles de Pythagore, des Évangiles apocryphes, et du Talmud. Voici l’une de ces fables, « Le Fakir et le Bramin », et son commentaire, qui ne sont pas sans rapport avec une certaine actualité :
LE FAKIR ET LE BRAMIN.
Portant une hache à la main,
Un fakir rencontre un bramin :
– Fils maudit de Brama, je te retrouve encore !
Moi, c’est Eswara que j’adore !
Confesse devant moi que le maître des cieux
Est le meilleur des dieux,
Et que moi je suis son prophète,
Ou je vais te fendre la tête !
– Frappe, lui répond le bramin,
Je n’aime pas un dieu qui te rend inhumain.
Les dieux n’assassinent personne.
Crois ou ne crois pas que le mien
Est plus indulgent que le tien :
Mais en son nom, je te pardonne.
SYMBOLE
LE FAKIR ET LE BRAMIN.
« Quand les forces contraires ne s’équilibrent pas, elles se détruisent mutuellement.
Les enthousiasmes injustes, religieux ou autres, provoquent par leur excès un enthousiasme contraire.
C’est pour cela qu’un célèbre diplomate avait raison lorsqu’il disait : N’ayez jamais de zèle.
C’est pour cela que le grand Maître disait : Faites du bien à vos ennemis et vous amoncellerez du feu sur leur tête. Ce n’était pas la vengeance par les moyens occultes que le Christ voulait enseigner, mais le moyen de résister au mal par une savante et légitime défense. Ici est indiqué et même dévoilé un des plus grands secrets de la philosophie occulte. »
Eliphas Lévi a tenu, sur le voile, un propos qui n’est pas non plus sans rapport avec l’actualité.
« Absconde faciem tuam et ora.Voile ta face pour prier.
C’est l’usage des Juifs, qui, pour prier avec plus de recueillement, enveloppent leur tête d’un voile
qu’ils appellent thalith. Ce voile est originaire de l’Égypte et ressemble à celui d’Isis. Il signifie
que les choses saintes doivent être cachées aux profanes, et que chacun ne doit compte qu’à Dieu des pensées secrètes de son cœur. »
Enfin voici un extrait d’un petit dialogue, assez vif, entre un Israélite et Eliphas Levi .
L’Israélite : Je vois avec plaisir que vous faites bon marché des erreurs du Christianisme.
Eliphas Levi : Oui sans doute, mais c’est pour en défendre les vérités avec plus d’énergie.
L’Israélite : Quelles sont les vérités du Christianisme ?
Eliphas Levi : Les mêmes que celles de la religion de Moïse, plus les sacrements efficaces avec la foi, l’espérance et la charité.
L’Israélite : Plus aussi l’idolâtrie, c’est-à-dire le culte qui est dû à Dieu seul, rendu à un homme et même à un morceau de pain. Le prêtre mis à la place de Dieu même, et condamnant à l’enfer les Israélites, c’est-à-dire les seuls adorateurs du vrai Dieu et les héritiers de sa promesse.
Eliphas Levi : Non, enfants de vos pères nous ne mettons rien à la place de Dieu même. Comme vous, nous croyons que sa divinité est unique, immuable, spirituelle et nous ne confondons pas Dieu avec ses créatures. Nous adorons Dieu dans l’humanité de Jésus-Christ et non cette humanité à la place de Dieu.
Il y a entre vous et nous un malentendu qui dure depuis des siècles et qui a fait couler bien du sang et bien des larmes. Les prétendus chrétiens qui vous ont persécutés étaient des fanatiques et des impies indignes de l’esprit de ce Jésus qui a pardonné en mourant à ceux qui le crucifiaient et qui a dit : Pardonnez-leur mon Père, car ils ne savent ce qu’ils font (…)
L’Israélite : Je vous arrête ici et je vous déclare que chez nous la kabbale ne fait pas autorité. Nous ne la reconnaissons plus, parce qu’elle a été profanée et défigurée par les samaritains et les gnostiques orientaux. Maïmonides, l’une des plus grandes lumières de la synagogue, regarde la kabbale comme inutile et dangereuse; il ne veut pas qu’on s’en occupe et veut que l’on s’en tienne au symbole dont il a lui-même formulé les treize articles, du Sepher Torah, aux prophètes et au Talmud.
Eliphas Levi : Oui, mais le Sepher Torah, les prophètes et le Talmud sont inintelligibles sans la kabbale. Je dirai plus : ces livres sacrés sont la kabbale elle-même, écrite en hiéroglyphes hiératiques, c’est-à-dire en images allégoriques. L’écriture est un livre fermé sans la tradition qui l’explique et la tradition c’est la kabbale.
L’Israélite : Voilà ce que je nie, la tradition, c’est le Talmud.
Eliphas Levi : Dites que le Talmud est le voile de la tradition, la tradition c’est le Zohar.
L’Israélite : Pourriez-vous le prouver ?
Eliphas Levi : Oui, si vous voulez avoir la patience de m’entendre, car il faudrait raisonner longtemps.