Cosmos Hole


The WISEA J171227.81-232210.7 black hole — several billion times as massive as our sun, exploding in Ophiuchus galaxy cluster,

Claude Lévi-Strauss is a good representative of contemporary thought. He displays its salient characteristics: despair of thought, insignificance of being, erection of non-knowledge as the ultimate « knowledge », universal doubt (doubt of meaning and doubt of doubt itself), all this in a sardonic and cheerful tone. « Let humanity disappear and the earth disappear, nothing will be changed in the march of the cosmos. Hence a final paradox: we are not even sure that this knowledge that reveals our insignificance has any validity. We know that we are nothing or not much, and, knowing this, we no longer even know if this knowledge is one. To think of the universe as immeasurable to thought forces us to question thought itself. We don’t get out of it.”i

What will be the thought of the universe in a thousand or two thousand years from now, who can claim to know it today? And who can think in the languages of the day what will be thought here and there, in the universe, in eight hundred thousand years or in a hundred million centuries? These ages seem distant only because of a lack of imagination.

We are really tired of the old marquis who are tired of dreaming. Post-modern doubt is a paper origami. We yearn for fresh and lively intuitions, for other universes, for horizons with naked orients, for stars without north, and the worn-out metaphors of extra-galactic confines or exo-biological chimeras already bore us with their brash roundness and frank blandness.

To think far away, however, little is enough. We need to change the signs, to swap the senses, and to dream of hurricanes. Everything quickly becomes different then. The thoughts of the day seem like slow caterpillars, far from the butterfly that is sensed, and very unworthy of the pensive eagle, high in the cloud.

It is tempting to believe that thought is immeasurable to the universe, and, diagonally agonistic, line of fire, that it transcends it easily. The humblest thought goes further than the white dwarves stars, and it pierces the fabric of the world with a hole blacker than the whole dark matter.

Any thought that is a little audacious obliges us to question the universe itself, its meaning and its essence. Every thought then cries out: « We are getting out of it immediately », – and not: « we are not getting out of it ».

The whole universe is in itself « insignificant ». By contrast, thought “means”, it has “meaning”, and it gives “meaning”.

If the entire universe ever receives one day some meaning, that meaning will not come from cosmic background noise, the shape of nebulae, or the sanctification of the boson (the so-called « God’s particle »).

If a demiurge created the world, the cosmos has no meaning of its own. Its meaning is obviously to be found elsewhere than in it.

And if the world created itself, by some kind of automatism, how could it give itself its own meaning, suck its own blood? Does the baby child at the breast suck herself?

The cognitive and ontological pessimism of post-modernism is equivalent to its opposite, from the point of view of the free play of radical hypotheses. The pessimism of insignificance has no logical weight of its own.

The existence of human consciousness, the irrefutable manifestation of being, must be placed far above the imperfect dreams of putative multiverse.

Universe, multiverse, it doesn’t matter what they are or how many they are, because in reality « you can’t get out of it ».

Consciousness, in essence, its deepest mystery, is that the deeper you get into it, the more you « come out », — as from an eternal Egypt.

iClaude Lévi-Strauss, De près et de loin. Ed. O. Jacob, Paris, 1988

La sortie d’Égypte de la conscience


Claude Lévi-Strauss est un excellent représentant de la pensée contemporaine. Il en arbore les caractéristiques saillantes: désespérance de la pensée, insignifiance de l’être, érection du non-savoir en ultime « connaissance », doute universel (doute du sens et doute du doute même), tout cela avec un ton sardonique et guilleret. « Que disparaisse l’humanité et que disparaisse la terre, rien ne sera changé à la marche du cosmos. D’où un ultime paradoxe : nous ne sommes même pas assurés que cette connaissance qui nous révèle notre insignifiance ait une quelconque validité. Nous savons que nous ne sommes rien ou pas grand chose, et, le sachant, nous ne savons même plus si ce savoir en est un. Penser l’univers comme incommensurable à la pensée oblige à mettre en doute la pensée elle-même. On n’en sort pas. »i

Ce que sera la pensée de l’univers dans mille ou deux mille ans, qui peut se targuer de le penser aujourd’hui ? Et qui peut penser dans les langues du jour ce qui se pensera ici ou là, dans l’univers, dans huit cent mille ans ou dans cent millions de siècles? Ces âges ne paraissent lointains que par manque d’imagination.

Nous sommes vraiment las des vieux marquis fatigués du songe. Le doute post-moderne est une cocotte en papier. Nous aspirons à des intuitions fraîches et vives, des univers autres, des horizons aux orients nus, des étoiles sans nord, et les métaphores usées des confins extra-galactiques ou des chimères exobiologiques nous ennuient déjà par leur rondeur bravache et leur franche fadeur.

Pour penser loin, il suffit pourtant de peu de choses. On a besoin de changer les signes, de permuter les sens, et de rêver d’ouragans. Tout devient vite autre alors. Les pensées du jour paraissent des chenilles lentes, loin du papillon pressenti, et fort indignes de l’aigle pensif, haut dans la nuée.

On peut aisément penser ceci, que la pensée est incommensurable à l’univers, et, diagonale agonistique, trait de feu, qu’elle le transcende sans façon. La pensée la plus humble va plus loin que les naines blanches, et elle troue le tissu du monde d’un trou plus noir que la matière sombre toute entière.

Toute pensée un peu audacieuse oblige à mettre en doute l’univers lui-même, son sens et son essence. Toute pensée alors crie ceci : « On en sort immédiatement !», – et non pas : « on n’en sort pas ».

L’univers tout entier est « insignifiant ». Par contraste, la pensée signifie, elle a un sens, et elle donne du sens.

Si l’univers tout entier reçoit jamais un jour un sens, ce sens ne viendra pas du bruit de fond cosmique, de la forme des nébuleuses, ou de la divinisation du boson.

Si c’est un démiurge qui a créé le monde, le cosmos n’a pas de signification propre. Son sens se trouve à l’évidence ailleurs qu’en lui.

Et si le monde s’est créé tout seul, comment pourrait-il se donner en sus son sens, se sucer son sang ? L’enfant au sein se tète-t-il lui-même ?

Le pessimisme cognitif et ontologique des post-modernes est équivalent à son contraire, du point de vue du jeu libre des hypothèses radicales. Le pessimisme de l’insignifiance n’a pas de poids logique propre.

L’existence de la conscience humaine, irréfutable manifestation de l’être, doit être placée bien au-dessus des rêves imparfaits de multivers putatifs.

Univers, multivers, qu’importent ce qu’ils sont ou combien ils sont, car « on n’en sort pas ».

La conscience, en essence, son plus profond mystère, c’est que plus on s’y enfonce, plus « on en sort », — comme jadis d’Égypte.

iClaude Lévi-Strauss, De près et de loin, Ed. O. Jacob, Paris, 1988