Conscience et saccidânanda


« Ramana Maharshi »

Ôm citānandarūpam Śivo’haṃ Śivo’haṃ Śivo’ha

« Ôm. Formé de conscience et de joie, je suis Śiva, je suis Śiva, je suis Śiva. »i

Le mot sanskrit cit चित् signifie « conscience », mais aussi « pensée, connaissance »ii. Dans les traditions védique et hindouiste, la « matière » et la « nature » ne se distinguent pas nettement de la « conscience », elles lui sont intimement nouées, entremêlées. Partout dans l’univers, la conscience est donc latente, immanente, mais elle se révèle particulièrement dans la nature humaine, dans la mesure où celle-ci participe, plus ou moins consciemment, à la Conscience universelle. Les rites du sacrifice védique symbolisent et incarnent cette participation, cette fusion de la conscience humaine et de la Conscience divine.

L’Univers, quant à lui, résulte de l’union de la Nature (prakṛti) et de l’Esprit (puruṣa, mot qui signifie aussi, originairement, « l’Homme »). Cette union peut être comparée au yin et au yang de la tradition chinoise, et elle est analogue, en un sens, à la « matière » et à la « forme », ou à ce qui est « en puissance » et ce qui est « en acte », dans la philosophie d’Aristote. Au-delà de ces deux principes de la Nature et de l’Esprit, il y a un autre principe encore, celui de l’Être suprême, d’où tout provient, qui est immanent à toute chose, qui transcende le Tout, et auquel est donné le nom propre Puruṣottama (litt. ‘Esprit suprême’).

Dans le Véda, la matière n’existe donc pas en soi, elle est pure potentialité, et elle ne peut être appréhendée que par les formes qui lui donnent une réalité. Pour utiliser des équivalents grecs, elle est le chaos (le « vide ») qui, selon Hésiode, précède le cosmos (l’ordre du monde) ; en hébreu, un équivalent serait le tohu et le bohu de la Genèse. La matière est nommée māyā dans l’hindouisme ; Ṣankara la décrit comme « ni être ni non-être ».iii Le principe de la matière possède aussi une dimension psychique : il équivaut au principe de l’inconscient de l’homme, et représente la source originelle d’où sourd la conscience, celle qui opère dans la veille, le rêve, et le ‘sommeil profond’.

L’Être (sat) et la Conscience (cit) forment les deux premières syllabes de la célèbre triade hindouiste, saccidânandaiv, mot composé qui peut se traduire littéralement par : « être-conscience-joie ». Cette formule se décompose en effet en trois mots : SAT, सत् , « être » ; CIT, चित् , « conscience » ; ĀNANDA, आनन्द, « joie ». Elle invoque, en les agglutinant et en les fusionnant, les trois concepts qui composent l’unité intime de la Réalité suprême, le bráhman. S’interprétant comme un concentré de l’essence du bráhman, cette formule évoque et synthétise le contenu de l’extase qui permet de la saisir (samādhi).

Dans l’extase, l’esprit atteint l’unité du bráhman (nom abstrait qui désigne la Réalité, l’Être, le Principe suprême et indifférencié, l’Absolu ; ce nom désigne aussi Dieu comme Essence ou substrat du Tout) et, par là même, il atteint l’unité de l’ātmán (la Conscience suprême). Cette expérience de l’unité du bráhman et de l’ātmán est la plus profonde, la plus fondamentale de la tradition védique. Seule l’extase peut mener à la révélation de cette unité. Celle-ci ne s’obtient donc pas par le biais d’une connaissance rationnelle ou d’une perception par les sens, mais seulement par l’expérimentation intérieure, extatique, de la conscience (cit) de l’homme, qui prend conscience que sa conscience participe à la Conscience suprême, l’ātmán.

C’est cette expérience intérieure que l’hindouisme appelle saccidānanda : c’est l’expérience, faite par une conscience individuelle, de l’Être absolu et de la pure Conscience universelle, – expérience gratifiée d’une Joie parfaite. Il importe de souligner qu’une telle expérience n’est pas indifférenciée. Elle implique toute la profondeur et la singularité de la personne humaine, sans la nier ou l’annihiler. Il est donc inexact de parler du bráhman ou de l’ātmán en termes seulement abstraits ou impersonnels. « Une personne est un être conscient, et bráhman est la Personne Suprême, le puruṣottamanv. Chaque être humain est une personne dans la mesure où il participe de cette Conscience Suprême. »vi

La croissance de la conscience humaine se fait continuellement, par de multiples expériences, depuis la naissance jusqu’à la mort. La conscience peut se développer, et se dépasser toujours plus, avant ou même après la mort, par-delà les limites de la matière et de l’esprit, et devenir davantage consciente de la Conscience universelle qui étreint toute la création, et du Soi qui lui est immanent. « Celui-là est ton Acteur intérieur, ton ātmán, ton propre Soi immortel, celui qu’on ne voit pas et qui voit, qu’on n’entend pas et qui entend, qu’on ne perçoit pas et qui perçoit, qu’on ne connaît pas et qui connaît. »vii Notre connaissance, notre savoir, notre sagesse, notre vision, et notre illumination dépendent de cette Conscience et de cet Être, un et universel.

Ce qui caractérise le lien entre l’Être (sat) et la Conscience (cit), et ce qui qualifie l’union entre le bráhman et l’ātmán, est la ‘non-dualité’ (advaita), – selon le terme adopté par la tradition hindouiste, laquelle reprend celle des Upaniṣad. « Là où il y a comme une dualité, l’un sent l’autre, l’un voit l’autre, l’un entend l’autre, l’un interpelle l’autre, l’un pense l’autre, l’un connaît l’autre. Mais quand, pour le connaisseur du bráhman, tout est devenu le Soi, qui et par qui pourrait-il sentir viii? Qui et par qui pourrait-il voir ? Qui et par qui pourrait-il entendre ? Qui et par qui pourrait-il interpeller, penser et connaître ? Ce par quoi il connaît tout, par quoi pourrait-il le connaître ? Le connaisseur, par qui le connaître ? »ix

Comment connaître, en effet, celui qui connaît ? Même la pensée la plus abstraite, la plus métaphysique, reste déterminée par la distinction, à vrai dire grammaticale, qui est toujours faite entre le sujet et l’objet. Mais comment connaître le sujet, le ‘Je’, sans le transformer alors en objet ? C’est là une limite de la pensée rationnelle, un obstacle inhérent aux structures du langage et aux catégories héritées du monde ‘objectif’. Comment dépasser celles-ci, afin d’aller bien au-delà de leurs contraintes, afin d’accéder à une vision directe de l’essence du sujet, l’essence du ‘Je’ qui sait, et non du ‘Je’ qui est connu, l’essence du ‘Je’ en tant qu’il transcende toute objectivisation, et toute immanence ? Dans la tradition hindoue, cette connaissance de l’essence du ‘Je’ a été très tôt reconnue comme étant la forme ultime de la connaissance, – à savoir la connaissance du Soi (ātmán).

Au stade suprême de l’extase (samādhi), on a ‘conscience’ (cit) que l’on est uni à la Réalité (sat), et que l’on devient soi-même ‘joie’ (ānanda); c’est le stade où « la dualité de la jouissance et du jouisseur se dissout dans l’océan de saccidānanda, le Soi »x.

Dans une autre série de commentaires, contemporaine et plus proche de nous, Ramana Maharshi insiste sur une définition de saccidānanda par la voie négative : « Nous décrivons habituellement la Réalité comme sat-cit-ānanda (être-conscience-félicité), mais ce n’est pas tout à fait correct. Elle ne peut être vraiment décrite. Nous essayons simplement par cette description de faire comprendre qu’elle n’est ni asat (non-existence), ni jada (sans conscience) et qu’elle est dépourvue de toute souffrance. En réalité nous sommes tous sat-cit-ānanda, mais nous pensons être asservis et avoir à subir toutes ces souffrances. »xi

Sat est le participe présent du verbe sanskrit as, « être ». Ce mot s’emploie comme adjectif, et signifie : « réel, vrai ; bon, juste, vertueux ; profond, subtil ». Le sens philosophique de sat est l’« Être », ou le « Réel ». « Comment [cet Être] peut-il être atteint sinon par celui qui dit ‘Il est’ ? Par ces mots ‘Il est’, il doit être atteint.»xii. Sat est aussi la racine du mot satyá, « le vrai, la vérité, la réalité ». Le « vrai » est vrai parce qu’il dévoile l’« être », il le ‘dé-couvre’, il présente son ‘non-oubli’ (de façon comparable, la langue grecque dit littéralement, a-lêthéia, le ‘non-caché’, la « vérité »). Quand « je suis », je « découvre » aussi que « je suis » et je découvre alors cette vérité, ce savoir que « je suis ». C’est là l’essence de la conscience humaine, – la conscience que les traditions védique et hindoue appellent cit dans plusieurs Upaniṣad.

Avec l’apparition de l’homme en son sein, l’Univers a réussi à rendre l’être (sat) conscient (cit) de lui-même, il a réussi à rendre le Soi présent à soi. Grâce au cit, et par le cit, le sat peut sortir de sa propre essence, et rayonner en quelque sorte au-dedans de lui-même, pour lui-même.

Le cit, la conscience en soi, présente l’Être face à lui-même ; le cit est la présence de l’Être face au Soi.

Il est intéressant de noter que la Taittirīya Upaniṣad emploie une triade un peu différente de la formule saccidānanda, à savoir : ‘satyam jñānam anantam bráhman’. Cette triade définit le bráhman par trois termes : satyam jñānam anantam. Elle est isomorphe à la formule saccidānanda, mais en change subtilement les nuances. Dans son explication, la Taittirīya Upaniṣad précise: « Celui qui connaît le bráhman comme vérité (satyam), sagesse (jñānam) et infinitude (anantam), comme caché dans la crypte du cœur, au plus haut des cieux, celui-là reçoit toutes les bénédictions, dans l’unité avec le bráhman omniscient. »xiii On voit qu’à la place du mot sat de la formule saccidānanda, on trouve le mot satyá, « réalité, vérité » ; à la place du mot cit, est employé le terme jñāna, « sagesse, connaissance, gnose » , et au mot ānanda (« joie »), la formule de la Taittirīya substitue le terme ananta (« infini, illimité, éternel »). Une autre différence, c’est que la Taittirīya Upaniṣad affirme positivement que le ‘connaisseur’ du bráhman devient lui-même le bráhman.

Le mot jñāna, qui est employé à la place de cit, peut être traduit par « sagesse », mais signifie aussi « conscience », ce qui le rend équivalent à cit. Jñāna possède d’ailleurs une gamme d’acceptions fort large dont celles de « connaissance, science, intelligence, perspicacité, pensée, gnose, cognition ». Le mot jñāna a aussi pour synonyme buddhi, ce qui en élargit encore le spectre sémantique: « esprit, intelligence, réflexion ; sagesse, raison ; pensée, idée ; essence de l’intellect ».xiv

Pour les traditions védique et hindouiste, le cit participe du sat ; la conscience qui brille au fond du moi n’est pas seulement mienne, elle participe aussi d’une conscience pure, suprême, ineffable, universelle. Le cit est la conscience ou la présence de sat à soi-même. Sat est l’être, et cit est conscience d’être, et conscience de l’Être : sat et cit sont de même essence. Le cit ‘conscientise’ le sat et le sat fait ‘être’ le cit. Tous les deux sont essentiellement inséparables. Leur lien relève de la non-dualité (advaita), déjà citée. La conscience que « je suis », « ma » conscience, n’est donc pas seulement un attribut de mon être, elle n’est pas quelque chose que mon être a, elle est mon être. Elle est aussi le sat lui-même. « En cette présence à soi-même de l’Être, je suis présent à moi-même, j’ai conscience de moi, je sais que je suis. »xv

Lorsque la conscience pure du soi atteint sa propre vérité (le fond de son propre être), alors elle est envahie par la joie, la béatitude, et par une plénitude telle qu’elle est aussi une ‘infinitude’ (en sanskrit : an-anta = « sans fin »xvi), une joie infinie de l’Être, joie qui se fond à son tour dans l’unité bráhmanātmán.

Ni le sat, ni le cit, ni l’ānanda ne m’appartiennent jamais en propre. Aux sources mêmes de l’être, au plus profond de la conscience, à la cime la plus élevée de la béatitude, rien de ce qui relève du sujet, du propre et de l’avoir n’a plus cours. C’est dans le dépassement du ‘moi’ et de tout ce que je juge ‘mien’ que je peux goûter l’ānanda, la joie ou la béatitude, qui, par un jeu de mots, est aussi l’infinitude (ananta) de la conscience, en tant qu’elle est consciente de l’être infini.

L’ānanda est intrinsèquement liée au sat et au cit, elle apparaît quand l’être (sat) et la conscience (cit) ne font qu’un ; elle s’atteint au cœur de l’Être, et elle se révèle au centre de la Conscience universelle (dans la conscience de la présence de l’Être). Alors, celui qui est conscient, la chose dont il est conscient et l’acte de la conscience sont unifiés, fusionnés. On pourrait aussi dire que c’est l’Être unique qui est conscient en nous, ou encore que toutes les formes particulières, singulières, de la conscience humaine sont des étincelles du feu de la Conscience universelle.

Cette conscience ou cette connaissance du Soi, s’obtient par la méditation, en transcendant les catégories de la raison, de l’espace, du temps et du moi, pour enfin expérimenter la Réalité unique, le Soi infini et éternel, qui subsume toute la multiplicité de la création.

Empressons-nous de préciser que toute la multiplicité du monde, toute sa diversité, ne se perd pas dans cette unité transcendante, comme si le monde ne prenait pas part, en tant que tel, à la Réalité ultime. Bien au contraire : « tout ce qui est ici est là, et tout ce qui est là est ici ». Autrement dit, il y a une intrication intime, un entremêlement de tout ce qui compose le monde, ici-bas, et tout ce qui existe au sein de l’ultime Réalité. Tout ce qui existe, la moindre particule de matière, comme tout ce qui vit dans le monde, existe aussi de façon éternelle dans cet Un. Toute la multiplicité de la création se tient et se développe dans son devenir, toujours imparfait, non-fini, et se réalise aussi dans l’Un, dans la perfection absolue de l’Être, et dans la connaissance du bráhman.

Śaṅkara dit au sujet de la triade ‘satyam jñānam anantam bráhman’: « L’utilité de cette connaissance du bráhman est la destruction de l’ignorance, et par conséquent la cessation complète du samsāra. On dira aussi: ‘L’homme-sage ne craint rien’. (…) Celui qui connaît le bráhman obtient le bráhman, et rien n’est plus grand que lui. Car il ne se peut que l’on atteigne autre chose que ce que l’on connaît. Seul le connaisseur du bráhman atteint le bráhman. Celui qui connaît ce bráhman suprême devient le bráhman lui-même. On dira que le bráhman est omniprésent, il est l’ātmán de toute chose. Donc le bráhman ne peut être atteint, car ‘atteindre’ se dit de quelque chose qui est atteinte par une autre, ou de quelque chose de limité qui est atteinte par une autre chose limitée. Donc il n’est pas correct de dire que le bráhman, qui est sans limite et qui est l’ātmán de toute chose, pourrait être ‘atteint’ comme s’il était limité et non le Tout. »xvii Autrement dit, on ne peut ‘atteindre’ le bráhman, on ne peut que le devenir.

Śaṅkara ajoute encore : « Le mot jñānam signifie ‘mémoire, intelligence’. Il signifie aussi ‘conscience’, et non ‘qui a la connaissance’. (…) L’expression jñānam bráhman est utilisée pour montrer que le bráhman n’est ni une cause ni un agent, et qu’il n’est pas quelque matière non-pensante comme l’argile. (…) Quand on dit jñānam bráhman, cela signifie qu’il n’est pas infini, car toute la connaissance du monde est finie. Pour répondre à cette objection, il est dit aussi que bráhman est anantam, c’est-à-dire infini. »xviii

Enfin Śaṅkara conclut : « Celui qui connaît le bráhman connaît tous les désirs, sans exception. Jouit-il successivement, d’une progéniture, du ciel, etc. comme le reste ? Il répond ‘non’. Il jouit en même temps de tous les délices, avec une unique connaissance, comme la lumière du soleil, qui n’est pas distincte du bráhman suprême, et que nous avons décrite plus haut comme Réalité, Connaissance, Infinitude (satyam, jñānam, anantam). Ceci est exprimé par ‘ensemble avec le bráhman’. Le connaisseur qui devient le bráhman, jouit sous la forme du bráhman de tous les délices en même temps. »xix. Le bráhman ne doit donc pas être cherché en tant que réalité objective, extérieure, distincte, mais il doit être réalisé dans notre propre soi. En attendant, il peut paraître ‘caché’, parce que, pour un esprit ordinaire, il apparaît indistinctement mélangé avec les mouvements de l’esprit et ses transformations, comme si sa présence restait celée sous les plis et les voiles du mental. La conscience pure (et sans contenu) de notre être, de notre soi, la conscience libre de toute contrainte liée au corps et à l’esprit, est le bráhman. C’est cette Pure Conscience, c’est ce bráhman qui constitue l’essence même de notre être.

Que devient le soi individuel dans la connaissance et la conscience du Soi unique ? L’individu perd alors toute idée de séparation d’avec l’Un, et il fait l’expérience d’une unité totale. Mais cela ne signifie pas qu’il n’existe plus en tant qu’individu, et en tant que ‘personne’. Aucun centre individuel de conscience ne perd sa singularité, son unicité propre. Toutes les consciences singulières participent à la Conscience universelle, elles se connaissent dans l’Être unique, et se découvrent comme des personnes singulières, unies à la Personne unique. Chaque personne est en relation spécifique avec la Personne suprême, le puruṣottaman. La participation de la conscience personnelle, individuelle, à la conscience universelle, fait partie de son propre mouvement d’auto-dépassement. Le soi transcende les limites de la conscience de la personne quand il se confronte à une conscience autre, et a fortiori, quand il rencontre et atteint la Conscience suprême, la conscience de l’Un et du Soi. Mais nul ne peut atteindre le Soi par ses propres forces. C’est là une grâce. « Ce Soi ne peut être atteint par le Véda, ni par la compréhension, ni par l’étude. Seul celui que le Soi (ātmán) élit peut l’atteindre. Le Soi le choisit comme son propre corps.»xx

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iMantra cité par Gérard Huet dans son dictionnaire « Héritage du Sanskrit », à l’article cit.

iiPlusieurs mots sont composé à partir de cit : cidākāsha, « conscience pure » ; cidambara, « pur esprit » ; cidrūpa, « formé de pure pensée » (ce mot qualifie l’Être suprême comme étant formé de pure pensée) ; cinmaya, « fait de pure pensée » (ce mot qualifie l’univers indifférencié). Le mot citta चित dérive aussi de cit, et signifie « connaissance, pensée ; esprit, intelligence ; cœur, sagesse ». En philosophie vedanta, citta désigne l’essence (tattva) de la Conscience. Son siège est le cœur, et il y est associé à l’âme (vātman).

iiiDans le commentaire par Ṣankara du Brahma-Sūtra.

ivPrononcer satchidânanda. En devanagari : सच्चिदानन्द

vLittéralement « le meilleur des hommes » (purua-uttama). Puruṣottama est le nom propre de « l’Être Suprême, synthèse du purua (l’Homme ; l’Esprit ; le principe mâle) et de la prakṛti (la Nature ; la Matière ; le principe femelle). C’est aussi l’un des épithètes de Viṣṇu sous sa forme suprême.

viBede Griffiths. Expérience chrétienne, Mystique hindoue. Trad. Charles de Brantes. Ed. du Cerf, 1985, p.89

viiBhadārayaka Upaniṣad 3, 7, 23. « He is the Internal Ruler, your own immortal Self. He is never seen, but is the Witness ; He is never heard, but is the Hearer ; He is never thought, but is the Thinker ; He is never known, but is the Knower. There is no other witness but Him, no other knower but Him. » (Trad. Swāmi Mādhavānanda, Calcutta, 1950)

viii« (But) when to the knower of everything has become the Self, then what should one smell and through what ? » Bhadārayaka Upaniṣad 2, 4, 14 (Trad. du sanskrit par Swāmi Mādhavānanda, Calcutta, 1950)

ixBhadārayaka Upaniṣad 2, 4, 14 (ma traduction à partir de celle de Swāmi Mādhavānanda)

xRamana Maharshi. Au jour le jour. Le témoignage de Devaraja Mudaliar. Trad. Eleonore Neess-Braitenberg. Ed. Albin Michel. 2017, p.23

xiRamana Maharshi. Au jour le jour. Le témoignage de Devaraja Mudaliar. Trad. Eleonore Neess-Braitenberg. Ed. Albin Michel. 2017, p.74

xiiKahaUpaniṣad, II, 6,12-13 (ma traduction)

xiiiTaittirīya Upaniṣad, 2,1 « He who knows the brahman attains the highest [brahman]. On this, the following verse is recorded : ‘He who knows brahman, which is, which is conscious, which is without end, as hidden in the depth [of the heart], on the highest ether, he enjoys all blessings, at one with the omniscient brahman. » The Sacred Books of the East, Ed. Max Müller, Vol.15, p.54

xivDictionnaire sanskrit-français de G. Huet, 2013.

xvDom Le Saux. Sagesse hindoue, Mystique chrétienne. Ed. du Centurion. Paris, 1965, p.232

xviSelon un des épithètes du brahman, dans la Taittirīya Upaniṣad, 2,1.

xviiCommentaire de Sri Śaṅkara sur la Taittiriya Upaniṣad, 2,1. Traduit du sanskrit en anglais par Sitarama Sastri. The Aitareya and Taittiriya Upaniṣad, Madras, 1923, p.114

xviiiIbid.

xixŚaṅkara. Commentaire de la Taittirīya Upaniṣad, 2,1 , in op.cit. p.115

xxKahaUpaniṣad, I,2,23 (ma traduction)

Bráhman’s Salt and Thirst


–A Salt Mountain–

Why should we seek to become the bráhman, since the Veda states that we already are?

The revealed words, which later, after many centuries of oral tradition, became Scripture, seem to carry within them profound contradictions.

For example, the Veda affirms that, in brâhman, being and thinking are one, absolutely one.

How can there be then, on the one hand, very real and well hidden, the bráhman, absolutely one, being and thought, and on the other hand, in the world, men, who are also thinking, conscious beings, and who think of themselves as individual, finite, separate beings?

Let’s be logical.

Either men are not really bráhman or they arei.

If men are not really bráhman, then what are they, since everything is in bráhman, and everything is bráhman? Are they only an illusion, or even just nothing, a mere nothingness?

If they really are bráhman, then why do they think of themselves as individuals and as separate from it/her? Or even, why do they think of themselves as the only existing and thinking ones, the bráhman her- or itself being in their eyes only an illusion…

Shouldn’t their thought and being be ‘naturally’ united with the thought and being of the bráhman because it/she is absolutely one?

If being and thinking are part of the essence of the bráhman, how is it that thinking beings, conscious beings, can so easily doubt that they are already, in some way, bráhman?

For it is a common observation. The individual soul (jīva) feels a thousand miles away from being bráhman because she is overwhelmed by her obvious narrowness, by her limits. She is suffocated by the consciousness of the determinations (upādhi) that she undergoes, by her incarnation in a body.

If one adopts the path, particularly developed by Śaṅkaraii, of the identity of the self (of man) and of the Self (of bráhman), then one must conclude that these limits, these narrownesses, these determinations are only illusion, they are only « names and forms projected in it by nescience » (avidyāpratyupasthāpita nāma-rūpa).

Nescience is what best defines the human condition. Man, who is supposed to be bráhman, does not even suspect it, and his conscience is in full confusion. All planes (reality, illusion, names, forms) are superimposed. This superposition (adhyāsa) seems innate, natural, consubstantial.

Where does this metaphysical illusion, this confusion come from?

Could it have been deposited in man from the very beginning, by the Creator?

But then, why this deliberate deception, and to what end?

Another hypothesis: if the Creator is not at the origin of this illusion, this confusion, this ignorance, would they come from an even deeper source?

If the Creator is not responsible for them, it is because they are already there, came before Him, and are immanent, and present not only in creation, but also in Him.

What? How could bráhman be in such ignorance, such confusion, even partial? Isn’t It/He/She supposed to be omnipotent, omniscient?

It is however a path of reflection that must necessarily be considered if we want to exempt bráhman from having deliberately created confusion and ignorance in its/her/his Creation…

You have to face the alternative.

« Indeed, either the bráhman would be ‘affected’ by nescience, in the sense that the individual living being is affected, and it/she would then become a kind of super-jīva, the Great Ignorant, the Great Suffering and the Great Transmigrant. Or it/she would not be fooled by its/her own māyā, which it/she would use above all as an instrument to create, abuse and torment souls, which would then be like toys or puppets in its/her hands. »iii

This alternative led, from the 10th century onwards, to the creation of two schools of thought, the « school of Bhāmati » and the « school of Vivaraṇa ». Both are in the tradition of Śaṅkara and advocate respectively the idea that nescience is « rooted in the living individual » (jīvāśritā), or that the notion of nescience is « rooted in bráhman » (brahmāśritā).

Who is the bearer of nescience? Man or bráhman?

In fact we don’t know. Nobody decides. And speculation in this respect seems futile.

A famous formula sums up this vanity: sad-asad-anirvacanīyā, « impossible to determine (अनिर्वचनीय anirvacanīyā), either as existing (sad) or as non-existent (asad)« .

This idea that there is something inexplicable often comes up.

So is the illusion, māyā, real or not?

Answer: « It is neither real nor unreal. Since the world appears, māyā is not unreal. But since māyā is contradicted by the knowledge of the Self, it is not real either.

So what is she? As she cannot be both real and non-real, she is inexplicable, indeterminable, anirvacanīyā. iv

What is inexplicable, we must not stop there. It must be transcended. We must go higher.

If the body, the mind, the life itself are māyā, one must seek liberation (mokṣa), to reach the eternal nature of the Self.

 » ‘The Self (ātman), who is free from evil, free from old age, free from death, free from suffering, free from hunger and thirst, whose desires are reality, whose intentions are reality, – it is He whom one should seek, He whom one should desire to understand. He obtains all the worlds and all the desires, the one who discovers the Self and understands it’, thus spoke Prajāpati. »v

But how do you do it in practice?

It is enough to be perplexed, enough to get lost…

« From this Self we can only say ‘neither… nor…’. It is elusive because it cannot be grasped. »vi

« This Self is neither this nor that. »vii

« Neither… nor…  » neti neti, नेति .

We don’t know what this Self is, but we know that this Self, – we are it.

« This is the Self, This you are. »viii

Famous formula, – one of the « great words », with « I am bráhman » ix.

You are the Self. You are That.

In its context: « It is what is the fine essence (aṇiman), the whole has it as its essence (etad-ātmaka), it is reality, it is the Self (ātman). You are that (tat tvam asi), Ṡvetaku. » x

You are That, and nothing else.

« But if someone worships another deity, thinking, ‘He is one, I am another,’ he doesn’t know. Like cattle, he is for the gods. » xi

This Vedic formula is reminiscent of that of the Psalmist: « Man in his luxury does not understand, he is like dumb cattle. »xii

But the nuance is a bit different. In the psalm, the mutity (of man) stems from his lack of understanding. In the Upaniṣad, the lack of knowledge (of man) leads to mutity (of the gods).

The logic of the absolute identity of the self and the Self leads us to ask the question again, in crude terms: What does the idea of the nescience of bráhman imply?

Could it be that its/her omniscience is fundamentally limited, for example to what has been, and to what is, leaving the space of possibilities wide open?

Could it be that Creation, still in the process of unfolding, has an essential role in the emergence of a future knowledge, not yet happened, not yet known?

Could it be that the great narrative of Cosmogenesis can only be understood by putting it in parallel with the development of a Psychogenesis (of the world)?

From another angle :

Does the Supreme Lord (parameśvara) use māyā as an instrument to unfold the universe, while remaining hidden, in His own order, in His own kingdom?

Or would He be the (sacrificial) « victim » of His own māyā?

Or, yet another hypothesis, would He be the « architect » of a māyā that would cover at the same time man, the world and Himself?

Would He have deliberately planned, as an essential condition of the great cosmo-theandric psychodrama, His own letting go?

In this case, would the determinations, names and forms (upādhi and nāma-rūpa) that are imposed on men and living beings have similar forms for bráhman?

For example, would His ‘clemency’, His ‘rigor’, His ‘intelligence’, His ‘wisdom’, which are all ‘names’ or ‘attributes’ of the supreme divinity (I am quoting here names and attributes which are found in Judaism) be the nāma-rūpa of bráhman?

Names and forms (nāma-rūpa) are supposed to be contained in bráhman like a block of clay that contains the infinity of shapes that the potter can draw from it.

There would therefore be names and forms in the latent state, and names and forms in the manifest state.

But why this radical difference?

In other words, what animates the ‘potter’? Why does he model this particular vase and not another one?

Does he make his choices freely, and just by chance?

And by the way, who is this potter? The bráhman? Or only one of its/her forms (rūpa)?

No. The bráhman created ‘in Herself’, – in Hebrew it sounds like: אַךְ בָּך, akh bakhxiii , the possibility of a Potter, and the power of Clay. Why is this? Because She does not yet know who She will be, nor what She would like to become?

Being « everything », She is infinitely powerful, but in order for acts to emerge from this infinite Power, a seed, a will is still needed. Where would this seed, this will come from?

Every will comes from a desire, which reveals a lack, Schopenhauer taught us.xiv

The bráhman is everything, so what is It/She missing?

The only logical possibility that is left : the bráhman is missing « missing ».

It/She lacks desire.

In fact, one of Its/Her names is akāma, « without desire ».

« In It/Her », there is therefore this lack, this absence of desire, because It/She is fullness, because It/She is already Everything.

But if the bráhman were only akāma, « without desire », then there would be nothing, no act, no will, no world, no man, nothing.

Indeed, we need to understand akāma in another way.

If It/She is a-kāma, « without desire », It/She is also « a- » , « without » (the privative a- in Sanskrit).

If It/She is « a- » or « without », it is because in It/Her there is a lack. A metaphysical lack.

It/She lacks Its/Her own lack.

Lacking of a lack, It/She desires to desire, It/She wishes to desire.

In It/She comes the desire, the will, wherever It/She is a-, wherever It/She is « without », wherever It/She is « not »-this or « not »-that, neti neti.

The bráhman, confronted with the immanent presence, « in It/Her », of that « lack », of that « a- » , is then confronted with the apparent separation of Its/Her being (sat) and Its/Her thought (cit).

In philosophical terms, « thought » finds in front of itself « being », a « being » in its raw state.

This raw being, which is not « thought », which is « unthought » (a-cit), having no or no more internal unity, fragments, dissolves, incarnates itself in an unlimited diversity of bodies.

These fragments of the being of the bráhman are like pieces of a hologram. Each one of them is the Whole, but less well defined, more blurred. But also, coming from the unlimited bráhman, each of them has its own unlimited power.

Thought does not divide, it augments, it multiplies itself, it generates.

Thoughts are alive. They are not like the inert pieces of a broken pot, but like the begotten children of living beings.

On the same question, Śaṅkara proposes yet another idea, that of gambling.

As happens in the life of an idle King, the Supreme Lord was able to create His Creation by play (līlā).

But this metaphor still brings us back to lack. The bráhman is the only reality, but this reality possesses an emptiness, an idleness, – hence some room to play.

It is necessary to reinterpret the essential unity of the bráhman and the living man (jīva), the unity of the Supreme Self and the Incarnate Self. It is the unity resulting from fullness and lack.

The incarnate self acts and suffers. The supreme Self is beyond « evil » and beyond « the other », – beyond any Other, therefore, but It is not beyond its own lack of lack.

The Self is creator, omniscient, omnipotent, in relation to all that was, and all that is, in act. But He is not omnipotent in relation to what is in potency, to all that will be or might be, and to all that will exist only because it is already and will continue to be part of His own lack, and of the desire that this lack will create. This lack, this desire, yet to come, will be like a means for the bráhman to surpass itself/herself, to surpass its/her own infinity.

The bráhman is like « a block of salt is, without interior or exterior, it is only a whole block of flavor (eka rasa). So is this Self (ātman), without interior or exterior, it is only a whole block of knowledge ».xv

It is a new confirmation. The bráhman is here three times « without ». Without interior. Without exterior. Without any taste other than the taste of salt alone.

It is a sad and dry infinity, frankly, deep down, that of an infinite block of salt.

In addition, the infinite thirst that such an infinite block of salt may generate, is obviously still missing here.

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iThere may be other assumptions as well. After considering the impossibility of deciding on this first alternative, a third way will have to be considered, the one that man is the potential bráhman but not the actual bráhman. Conversely, the bráhman is also in potency, and in this potency he is man.

iiŚaṅkara. The Thousand Teachings. Transl. by Anasuya from the edition by A.J. Alston. Ed. Arfuyen. 2013

iiiMichel Hulin. Śaṅkara and non-duality. Ed. Bayard. Paris, 2001, p.92

ivŚaṅkara. The Thousand Teachings.Transl. by Anasuya from the edition by A.J. Alston. Ed. Arfuyen. 2013, p.30

vChāndogya-upaniṣad 8.7.1. Translation in French by Alyette Degrâces (adapted and modified by myself in English) . Ed. Fayard. 2014, p. 199

viBṛhadāraṇyaka-upaniṣad 3.9.26 and 4.5.15. Transl. by Alyette Degrâces. Ed. Fayard. 2014, p. 275 and p. 298.

viiBṛhadāraṇyaka-upaniṣad 3.9.26 cited by Śaṅkara. The Thousand Teachings. Trad. Anasuya from the edition by A.J. Alston. Ed. Arfuyen. 2013, p. 39.

viiiChāndogya-upaniṣad 6.8.7 cited by Śaṅkara. The Thousand Teachings. Trad. Anasuya from the edition by A.J. Alston. Ed. Arfuyen. 2013, p. 47.

ixBṛhadāraṇyaka-upaniṣad 1.4.10

xChāndogya-upaniṣad 8.6.7. Translation by Alyette Degrâces. Ed. Fayard. 2014, p. 176

xiBṛhadāraṇyaka-upaniṣad 1.4.10. Transl. by Alyette Degrâces. Ed. Fayard. 2014, p.233

xiiPs 49:13

xiiiSee the article « Only with you אַךְ בָּך, akh bakh » on Metaxu, Philippe Quéau’s Blog.

xivCf. A. Schopenhauer. The world as will and representation.

xvBṛhadāraṇyaka-upaniṣad 4.5.13. Transl. by Alyette Degrâces. Ed. Fayard. 2014, p.298