A Tabriz, j’ai cueilli les fruits verts d’un arbre vieux.
Tous, ils donnent leur suc, comme toute âme a son goût.
Qui a vu en soi les lunes, les fentes, les laves ?
Les barques échouées, les voiles affalées, les caps espérés ?
Comme un bousier montant dans la dune, je suis un mirage.
Tu étales en tout lieu ton absence.
Que saurais-je de ta présence ?
Tu vides tout de ton ciel.
Aujourd’hui j’aime le pain et le sel.
Demain je serai l’ami du mil et du vin.
Je laperai les rêves, et je boirai des eaux libres.
Tout revient un jour, à quoi sert le temps, pour quel souvenir ?
Ce soir, je suis ruine, poussière, tombe, gaz, tesson de terre, port en sable, ver aveugle, suite logique.
Cœur spastique, gorge nouée, âme vive.
Je ne cache ni ne montre. J’attends le lent.
Déjà gibier, proie promise, ivre de rien, j’entonne l’ombre d’un péan, d’un hallali.
Rus et rivières, fuites horizontales. À l’horizon, la mer est si verticale.
Sur le caillou, l’eau coule, loin des soifs.
J’ignore l’existence et l’essence. Je ne sais pas le poids des monts à venir.
Des monceaux possibles, le nombre futur est très grand.
Mes mains forment une coupe, filtre d’ivresse, et la caresse est une douleur.
Je ne croyais pas à la crue, au sommet de la montée, mais elle est venue, sans parole.
La beauté, la joie, la vie : lunes, courbes, dents, souffles, hâles, ombres.
Bois le tout, et oublie manques et oublis.
Vois : ils voient, et ils ne voient pas.
Donne à la peine un nom de douceur, un signe sûr.
Chéris ta paix. Hais ce qui tue.
Trouve le fil, et le chas, dans la lumière crue.