La baleine, le cafard et le lapin


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L’esprit est toujours en retard sur la matière et sur l’événement. Mais l’art, qui a partie liée avec l’inconscient, a parfois su prophétiser les émergences. Ce qui est propre à notre temps ce n’est pas tant l’intensité de la collaboration entre l’art et l’argent, que la passivité apparente de l’esprit de création, et la faiblesse intellectuelle et morale des maîtres du jour.

Il suffit de penser aux temps où des princes éclairés, visionnaires, fréquentaient des artistes comme Vinci, Michelangelo ou El Greco. Aujourd’hui les plus grands Etats semblent être dirigés par des forces anonymes, les « mains invisibles » de la spéculation mathématico-financière. Le pouvoir méprise l’art – sauf bien sûr l’art des coffres forts et des banques, l’art des commissaires priseurs et des salles de marché, l’art béni par l’argent. L’art dort ou se berce d’illusions, au moment où le monde vit une mutation sans précédent.

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Fou


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« Tout homme est fou, pensa-t-il encore, mais qu’est une destinée humaine sinon une vie d’efforts pour unir ce fou et l’univers… »

A. Malraux. La condition humaine

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La France ne rêve plus.


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Les Français et les songes


De Gaulle. Mémoires de Guerre. L’appel.

Si rudes que fussent les réalités, peut-être pourrais-je les maîtriser, puisqu’il m’était possible, suivant le mot de Chateaubriand, « d’y mener les Français par les songes ».

Chateaubriand. Mémoires d’outre-tombe
Livre 28, Ch. 17

Je voulais, moi, occuper les Français à la gloire, les attacher en haut, essayer de les mener à la réalité par des songes : c’est ce qu’ils aiment »

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Shēn 申 Dire


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La langue chinoise offre d’innombrables rêveries sur la manière dont les concepts s’agglutinent ou se dissocient, coopèrent entre eux ou bien se divisent, s’éloignent les uns des autres. Cela vient de ce que chaque caractère peut se combiner de multiples façons avec d’autres caractères aussi éloignés que possible. Ainsi Shēn 申 « dire, rapporter », dans le simple exemple suivant.

Homme 紳 =  le fil 糸 + dire 申

Dieu 神 = révéler 示+ dire 申
Dans les deux cas, le verbe « dire » semble figurer une essence profonde. Cela est d’autant plus étonnant que cette essence paraît donc constitutive de l’homme et du dieu. L’homme et le dieu ont pour essence commune le « dire ». Le second caractère, celui qui les différencie, en étant placé comme une sorte de préfixe, définit deux modalités de leur « dire » respectif.

Le « dire » de l’homme est modalisé ou métaphorisé par le « fil » (le fil à coudre, le…

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Comment regarder l’esprit (en son entier) ?


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Dans un texte appelé « Les grands cadres de référence » (Maha-satipatthana Sutta) du Tipitaka, ou « Canon Pali », collection des textes fondamentaux en langue Pali formant la base doctrinale du bouddhisme Theravada, on trouve une question : « Et comment fait un moine pour regarder en son entier l’esprit dans l’esprit? »

Suit alors une assez longue réponse, dans le genre : « Lorsque l’esprit a des illusions, il perçoit que l’esprit a des illusions. Lorsque l’esprit est sans illusions, il perçoit que l’esprit est sans illusions (…). Lorsque l’esprit est libéré, il perçoit que l’esprit est libéré. Lorsque l’esprit n’est pas libéré, il perçoit que l’esprit n’est pas libéré.»

Puis vient la conclusion : « De la sorte il demeure observant intérieurement l’esprit dans l’esprit, ou extérieurement l’esprit dans l’esprit, ou à la fois, intérieurement et extérieurement l’esprit dans l’esprit. (…) Et il demeure indépendant, sans attachement à rien au monde. C’est ainsi qu’un moine demeure observant…

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Le souffle à l’origine du monde


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元气 (en chinois, yuánqì) : 元 origine + 气 souffle : le souffle originel à l’origine du monde.

De Wikipédia, je reprends les éléments suivants :

Le est le souffle vital. Il anime la vie des êtres, mais persiste aussi après la mort, dans l’au-delà. C’est un principe fondamental qui donne sa forme à l’univers, et qui le transforme sans cesse. Il circule partout, reliant en permanence les choses et les êtres. Il s’agit d’une sorte d’essence invisible, qui anime toutes choses, et tout être. Il peut prendre différentes formes qui sont alors notées par d’autres caractères. On distingue ainsi le primordial (yuánqì 元氣), le prénatal (jīng 精), le qui alimente la pensée et la vie spirituelle (shén 神), etc.

Le dictionnaire Shuowen Jiezi élaboré par Xǔ Shèn au IIe siècle évoque les traces archéologiques du , gravées sur une carapace de…

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Le bien commun mondial et les sociétés de la connaissance


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Distinction entre le « bien commun » et les « domaines publics »

Les « domaines publics » relatifs à l’évolution des TIC et des sociétés de la connaissance.

Les TIC: des moyens pour quelles fins ?

La « position éminente » (« The command of the commons »)

La seconde « clôture » (“Enclosure”)

Une « grande transformation » des valeurs?

Qu’est-ce que le bien commun mondial ?

Res nullius et res communis

Les « intérêts primordiaux de la collectivité mondiale».

Le bien commun et le rôle de l’Etat.

Bien commun et modernité.

Une nouvelle Renaissance

La Noosphère

Au 15ème siècle, la boussole, l’astrolabe et le gouvernail d’étambot ont permis la découverte du Nouveau Monde. Considéré comme terra nullius, il attira les convoitises, et il fallut, moins de deux ans après, établir le traité international de Tordesillas (7 juin 1494) pour assurer son partage entre les deux puissances coloniales d’alors, l’Espagne et le Portugal. Ce traité traça une « ligne globale », incarnée par le méridien nord-sud…

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La dialectique des triades


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Dumézil a démontré que des schèmes triadiques et trinitaires informaient en profondeur la mythologie et la théologie indo-européennes.
En sanscrit, le nombre 3 se dit tri, त्रि, et ce mot a donné l’anglais three, l’allemand drei et le français trois.

La culture védique abonde en références trines et triadiques. Les trividya sont les trois Védas. Les triloka sont les trois mondes, le Ciel, la Terre et l’Enfer. Les triratna sont les trois joyaux de la doctrine, Bouddha, sa Loi (dharma) et sa Communauté (saigha). La Trinatha est la trinité hindoue : Brahma, Vishnou, Shiva. La trijuna est la triade des essences : la conscience (sattva = pureté, vérité), la passion (rajas = force, désir) et la ténèbre (tamas = ignorance, inertie). La trimarga est la triple voie de la réalisation spirituelle (karmayoga, bhaktiyoga, jnanayoga), etc.

On trouve même que les trois bourrelets au-dessus du…

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Les nouvelles « positions éminentes »


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Pour comprendre la nature de la mondialisation à une époque donnée, il peut être utile de se référer aux stratégies militaires d’occupation de l’espace global, fort caractéristiques et révélatrices des grandes structurations à l’œuvre.

Pour illustrer ce point, je voudrais parler de la question actuelle des « positions éminentes » pour le contrôle des domaines publics mondiaux.

De tout temps, en matière de stratégie militaire, le contrôle des « positions éminentes » a joué un rôle essentiel. La maitrise des points hauts, ou de l’espace aérien en sont des exemples. De nos jours, il s’agit surtout de s’assurer le contrôle de la « position éminente » suprême : l’espace.

Rappelons qu’il y a environ 1000 satellites actifs actuellement en orbite. La moitié d’entre eux appartiennent aux États-Unis, et ceux-ci sont approximativement pour 50% d’usage civil et pour 50% d’usage militaire. Rappelons aussi que le 21 janvier 1967 un Traité international a banni la nucléarisation de l’espace –…

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Neuro-biologie


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2ème jour

Piqué de curiosité je vais à la Bibliothèque François Mitterrand pour consulter les ouvrages de C.Malabou qui seraient disponibles. J’ouvre sa Critique de la raison neurobiologique. Il s’agit d’une charge contre Changeux. La neurobiologie, avec sa jeune arrogance, a procédé à une « captation des idées métaphysiques ». La neuro-éthique s’arroge le discours sur le Bien, la neuro-esthétique sur le Beau. Tout cela peut inquiéter à juste titre le philosophe professionnel : la neuroscience est devenue « un instrument à fragmentation philosophique ». Aussitôt l’image des bombes à fragmentation qui déchiraient les corps au Vietnam me vient à l’esprit. Je m’égare encore. Malabou enfonce le clou : « L’émergence de la neuroscience constitue une pure et simple menace à la liberté – liberté de penser, d’agir, de jouir ou de créer. » C’est une sorte de « darwinisme mental ». L’épigenèse sélectionne les synapses. Le volume du cerveau s’accroît quatre fois et demi après la naissance. La…

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Les treize prophéties


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Vingt-neuvième jour

Parcourant, il y a quelques jours, les Observations de Leibniz sur le livre du Rabbin Moïse Maïmonide intitulé le Guide des Égarés, texte conservé à la Bibliothèque Sainte Geneviève, j’ai noté un certain nombre de pistes fort stimulantes. Par exemple, à propos des noms divins, Leibniz se réfère (§ C62) à deux « Tétragrammes », l’un de douze lettres et l’autre de quarante deux. Il ne donne pas plus de détails à ce sujet, d’ailleurs, son texte étant fort elliptique. Ceci est dommage, car on aimerait étudier comment le célèbre Tétragramme de quatre lettres (pour le dire pléonastiquement), peut se dilater ainsi.

Dans un autre ordre d’idées, Leibniz indique (§ C54) que Moïse a reçu la révélation de treize prophéties de Dieu en Ex . 34,6-7. Cette « révélation » mérite d’être citée intégralement, si l’on veut déterminer précisément ces treize « prophéties ». Voici :

« Yahvé passa devant lui et cria : « Yahvé, Yahvé, Dieu…

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JP Morgan Chase et la fin de la démocratie


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Dans un livre bien documenté, Le nouveau capitalisme criminel – Crises financières, narcobanques, trading de haute fréquence, Jean-François Gayraud, haut fonctionnaire de la police nationale, révèle bien des dessous douteux de la haute finance internationale. Dans un chapitre consacré à la banque JP Morgan Chase, dite « la plus grande banque des États-Unis », on lit avec intérêt le résumé d’un rapport d’enquête bipartisane du Congrès des États-Unis, dirigée par les sénateurs Carl Levin et John McCain, publié en mars 2013. Pour faire court, ce rapport fait le portrait d’une « banque voyou », condamnée à plusieurs amendes des régulateurs américains et britanniques à l’automne 2013 pour « l’affaire de la baleine ». Cette banque est surtout une « multirécidiviste de la fraude ». Le livre cite « pour mémoire » : « des fraudes dans les produits subprimes titrisés en 2012 ; une plainte de la Deutsche Bank au nom de plusieurs fonds d’investissement pour des titres financiers adossés à des prêts

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Petit voyage de la Syrie à l’Afghanistan en passant par l’Égypte, à la recherche de l’encre dans le sable


Jamblique est né à Chalcis (aujourd’hui Qinnasrîn) au Nord-Ouest de la Syrie vers 242, dans une famille princière de Émèse (aujourd’hui Homs). C’est un philosophe néo-platonicien. Il pense que l’humanité est composée d’âmes déchues, mais que les dieux ont envoyé ici-bas quelques hommes sages comme Orphée, Pythagore, Platon, Hermès pour leur venir en aide. A la différence de Porphyre et Plotin qui restèrent strictement sur le plan philosophique, Jamblique se targuait aussi de théurgie, comme Syrianos et Proclos. L’âme est appelée, par des pratiques religieuses poussées, des rites d’initiations, des sacrifices, des invocations visant à l’extase mystique, à s’unir degré par degré à des êtres d’une nature supérieure, des héros, des « démons », des anges et des archanges. Le but est de tenter de s’unir progressivement à l’Un, au Dieu ineffable.

Dans les Mystères d’Égypte, Jamblique passe en revue tout ce qu’il sait de la sagesse chaldéo-égyptienne. Il utilise l’idée d’une « dégradation » progressive, d’une chute à partir du Dieu ineffable. Il y a une hiérarchie descendante qui inclut des êtres divins, et comprend les archanges, les anges, les « démons », les héros, les archontes jusqu’à atteindre les âmes humaines. Il décrit deux sortes d’extase, analyse les causes du mal, la puissance théurgique des sacrifices et présente la mystagogie symbolique des Égyptiens ainsi que la théologie et l’astrologie hermétiques. Toute âme est gardée par un « démon » personnel qui doit l’aider à atteindre son but ultime, le bonheur, l’union avec le divin.

Jamblique croit qu’un contact avec le divin est possible, mais certes pas par le moyen de la connaissance. « A vrai dire ce n’est pas même une connaissance que le contact avec la divinité. Car la connaissance est séparée par une sorte d’altérité. » (Les Mystères d’Égypte, I,3). Cette expérience mystique est difficile à expliquer. « Nous sommes plutôt enveloppés de la présence divine ; c’est elle qui fait notre plénitude, et nous tenons notre être même de la science des dieux. » (Ibid.) Jamblique use des métaphores et des symboles égyptiens bien connus, comme le limon, le lotus, la barque solaire. Ce sont des iamges simples mais très efficaces pour expliquer le fond de l’affaire. « Conçois comme du limon tout le corporel, le matériel, l’élément nourricier et générateur ou toutes les espèces matérielles de la nature qu’emportent les flots agités de la matière, tout ce qui reçoit le fleuve du devenir et retombe avec lui (…) Le fait d’être assis sur un lotus signifie une supériorité sur le limon qui exclut tout contact avec celui-ci et indique un règne intellectuel dans l’empyrée (…) Quant à celui qui navigue sur une embarcation, il suggère la souveraineté qui gouverne le monde. » (Ibid. VII, 2)

Et voilà ! Par la magie de trois images, le limon, le lotus, la barque, c’est l’ordre entier de l’univers qui se révèle. Pourquoi aller chercher ailleurs de lointaines et confuses explication. Il suffit de contempler le Nil et d’en tirer les observations appropriées. D’où vient ce pouvoir anaphorique, anagogique des images égyptiennes ? C’est sans doute que ces images sont d’abord des images des noms divins. « Nous gardons tout entière dans notre âme une copie mystique et indicible des dieux, et c’est par les noms que nous élevons notre âme vers les dieux. » (Ibid. VII, 4)

Les noms ont ce pouvoir magique, mystique et théurgique parce qu’ils ont la capacité de toucher les dieux, ne serait-ce que de façon infime, mais dans une langue qui leur est propre, et qui ne peut les laisser indifférents. «  Comme toute la langue des peuples sacrés, tels que les Assyriens et les Égyptiens, est apte aux rites sacrés, nous croyons devoir adresser aux dieux dans la langue qui leur est connaturelle, les formules laissées à notre choix. » (Ibid. VII, 4)

Toutes les religions de la région qui va du Nil à l’Indus, celle de l’Égypte ancienne, les religions chaldéennes, le judaïsme, le zoroastrisme, le védisme, multiplient les noms de Dieu, comme si chacun de ces noms divers était une manière unique d’en connaître (c’est-à-dire d’en séparer) un des aspects.

Ici, je voudrais souligner une idée essentielle. Les hommes sont libres d’user de telles ou telles invocations, prières ou formules. Les religions diffèrent d’ailleurs sur ce point et laissent libre cours à leur imagination propre. Ce qui compte vraiment ce n’est pas la lettre même. Ce qui compte c’est de se placer sur le terrain de la langue divine, la langue « connaturelle aux dieux ». Cette langue, nous ne la connaissons pas, bien sûr. Mais nous en avons quelques traces, infimes, telles que les « noms » divins, les images, les symboles.

Cela me fait penser à une belle histoire, presque incroyable, de traces infimes perdues dans le sable.

Au début des années 1970, un archéologue français, Paul Bernard, qui dirigeait la Délégation archéologique française en Afghanistan, conduisait des recherches à Ai Khanoun, à l’extrémité orientale de la Bactriane, près de la frontière entre l’Afghanistan et le Tadjikistan. Cette ville située au confluent du fleuve Amou-Daria (l’ancien Oxus) et de la rivière Kokcha, avait été surnommée « l’Alexandrie de l’Oxus » par Ptolémée. L’équipe archéologique mit au jour l’ancienne ville grecque, son théâtre et son gymnase. Dans une salle du grand palais gréco-indien d’Ai Khanoun, envahie par les sables, Paul Bernard a retrouvé « les traces d’un papyrus qui avait pourri en laissant sur le sable, sans aucun autre support matériel, les traces d’encre des lettres. Merveille ! On distinguait à peine dans les angles les traces de fragments de papyrus, mais on pouvait encore lire le texte qui était en grec : c’était le texte inédit d’un philosophe grec, disciple d’Aristote, qui avait accompagné Alexandre dans son expédition ! »1

Le coup d’état communiste, appuyé par l’armée soviétique, mit fin aux travaux archéologiques en 1978.

Le résultat des fouilles, déposé au musée de Kaboul, a été fortement endommagé par les bombardements successifs, et un peu plus tard vandalisé par les Talibans.

1Cf. P. Bernard, Fouilles d’Ai Khanoun I, Paris, 1973. Cité par Jacqueline de Romilly. Petites leçons sur le grec ancien.