
Loin des foules agitées, indifférent aux aigres sarcasmes, détaché de toute arrogance, je songeais aux intuitions insoupçonnées. Dans l’ombre blonde, au pied d’une falaise rousse, j’agrippais des rocs indemnes de profanations citadines, je les serrais de mes mains sincères. Mon esprit, par instants, entrevoyait l’éternité. Dans la nuit, se dissolvaient lentement des sons inspirés, et s’atténuaient les désirs. Bientôt l’aube assoupie s’éveillerait, avec ceux qui luttaient pour la joie et la paix, avec ces bardes que le laurier n’avait pas ceints, avec ceux qui passeront le jour sans rêve ni repos, traversés par le doute, et ceux que n’étreignent pas des bras aimés. Quant à ceux pour qui l’or des songes suffit, les serfs ou les seigneurs, qu’ils soient humains ou non, célestes ou terrestres, qu’ils ne s’approchent pas de la cime, même en tremblant. Ils cherraient.
Libres, nous chantions autour de coupes pleines d’une noble et rubescente boisson. Dans la pénombre du soir, nous buvions le cœur tranquille. « Vous, déités festoyant bien trop haut !, descendez donc en vents frais, émergez, vous-toutes, grouillantes, des tombeaux blancs ! Venez vous joindre à nous, ici-bas. Étonnez-vous de nos danses, grisez-vous de musique et de poésie… », disions-nous, éméchés. Nous ne savions pas que leurs cieux ne subsisteraient pas longtemps. Nous les connaissions pourtant déjà, quelque peu, eux incompréhensibles et nous alliés, avant même de nous être jamais rencontrés.
J’étais sidéré par des rêves d’enfants, dans l’interstice des jours bleus, sous quelque tonnelle, ou allongé paisiblement sur du sable chaud ; mes sensations s’éveillaient, du divin se mouvait en moi, un doux vent planait. Un jour, l’insouciance se déchira, comme un son strident perce l’ouïe. Fatigué de la suite des jours, l’ange quitta ma compagnie. Elle vint, implorant en vain les plus petites créatures ; à travers l’éclat des soleils, j’allais aveuglé. Je contemplais ces visages fidèles. Je ne trouvais aucune interprétation convenant à leur sourire.
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