Comprendre Dieu


« Comprendre » ©Philippe Quéau (Art Κέω) 2025

Il est le plus rapide, le plus puissant ; il pense infiniment – mais non pas tout absolument, ni absolument tout, parce que l’absolu est toujours intrinsèquement inaccompli, et la totalité, elle aussi, reste éternellement inaccomplie. Longtemps, je ne sus comment exprimer ce que j’en avais perçu et compris, il y a de cela presque un demi-siècle, jusqu’à ce que je tombe, aujourd’hui, sur ces lignes d’une clarté que je ne saurais pour ma part dépasser : « C’est donc de cette manière que tu dois concevoir Dieu : tout ce qui est, il le contient en lui comme des pensées (νοήματα), le monde, lui-même, le Tout. Si donc tu ne te rends pas égal à Dieu, tu ne peux pas comprendre Dieu : car le semblable n’est intelligible qu’au semblable. Fais-toi grandir jusqu’à correspondre à la grandeur sans mesure, par un bond qui t’affranchisse de toute limite corporelle ; élève-toi au-dessus de tout temps, deviens Aiôn : alors tu comprendras Dieu. Dis-toi qu’il n’est pour toi rien d’impossible, et estime-toi immortel et capable de tout comprendre, tout art, toute science, le caractère de tout être vivant. Monte plus haut que toute hauteur, descends plus bas que toute profondeur. Rassemble en toi-même les sensations qu’éprouvent tous les êtres créés, le feu et l’eau, le sec et l’humide, imaginant que tu es à la fois partout, sur la terre, dans la mer, au ciel, que tu n’es pas né encore, que tu es dans le ventre maternel, que tu es adolescent, vieillard, que tu es mort, que tu es par delà la mort. Si tu embrasses par la pensée toutes ces choses à la fois, temps lieux, substances, qualités, quantités, tu peux comprendre Dieui .»

Ce texte d’Hermès Trismégiste n’a rien d’hermétique, il est d’une limpidité et d’une transparence sereines, comme le lecteur impartial (croyant ou non) peut s’en apercevoir. Travaillant sur l’anthropologie de la conscience, j’ai accumulé au fil des ans nombre de documents, d’écrits, de témoignages, émanant d’esprits parmi les plus brillants, les plus profonds, les plus éclairés. Mais ce texte d’Hermès possède pour moi un charme spécial. En effet, il résume excellemment une certaine expérience que je fis dans ma jeunesse. Mais, il ne dit pas tout.

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iXIe traité du Corpus Hermeticum § 19. Cité par le R.P. Festugière. La Révélation d’Hermès Trismégiste. Tome IV Le Dieu inconnu et la Gnose. Paris Ed. Gabalda, 1954, p. 142

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