
Les expériences de Deecke, Grözinger et Kornhuberi à propos des mouvements de flexion volontaires des doigts montrent que le potentiel d’action lié à ces mouvements apparaît dans le cerveau plus d’une seconde avant que le sujet ne prenne conscience de sa décision de fléchir le doigt. On notera que la réaction à un stimulus externe est bien plus rapide, de l’ordre d’un cinquième de seconde. « Ces expériences jettent le trouble sur la réalité de notre libre arbitre, face à cette découverte qu’une action apparemment volontaire trouve son origine dans l’activité inconsciente du cerveau préalable à la prise de conscience de cette actionii ». Cependant, l’on peut interpréter les résultats de cette expérience bien autrement, me semble-t-il. Il est possible que nous ne soyons pas en mesure de distinguer réellement le moment où nous « prenons conscience » de notre volonté de prendre une décision du moment où nous sommes conscients de l’avoir prise effectivement. Autrement dit, la conscience d’avoir à prendre une décision en vue d’une action spécifique n’est pas de même nature que la conscience de prendre une décision effective d’agir. Si elle n’est pas de même nature, elle n’est donc pas traduite de façon comparable au niveau neuronal. Les potentiels électriques correspondant à l’intention consciente (ou pré-consciente) de prendre une décision sont vraisemblablement d’une autre intensité et d’une autre répartition cérébrale que les potentiels électriques correspondant à la prise de conscience que cette décision doit être « actée », quelque temps après l’avoir en effet prise, consciemment. Il y a sans doute un décalage de plusieurs centièmes de seconde entre le moment où la conscience est en acte, quand elle prend une décision, et le moment où la conscience est consciente d’avoir pris effectivement la décision qu’elle vient d’acter. La conscience est par nature réflexive. Pour qu’il y ait une réflexion consciente, il est nécessaire qu’un premier rayon (de conscience) émerge d’abord, afin que ce rayon puisse alors se réfléchir sur le fond de la conscience, et qu’il produise les incitations à agir correspondant à telle ou telle volonté, lesquelles doivent être ensuite transformées en séries d’actes à faire effectivement.
Le potentiel de disponibilité (BP) qui est le premier potentiel identifié par l’étude citée de Deecke et al., est sans doute précédé par d’autres potentiels plus diffus, correspondant à l’activité générale de la conscience, laquelle est moins focalisée sur des tâches spécifiques, mais plus alerte quant au contexte environnemental ou quant à l’état de « conscience » de l’individu.
Autrement dit, loin de jeter le trouble sur la réalité de notre libre arbitre, ces résultats pourraient être interprétés comme le renforçant, en en rejetant la matérialité neuronale, et en le renvoyant à un nuage de conscience qui existerait parallèlement au système neuronal, de même que lui est parallèle, en quelque sorte, l’univers tout entier, avec ses champs énergétiques, qu’ils soient gravitationnels ou quantiques, lesquels coexisteraient donc avec les champs de conscience de toutes les entités plus ou moins conscientes qui s’y trouvent.
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iL. Deecke, B. Grözinger, H.H. Kornhuber, « Voluntary finger movements in man ; cerebral potentials and theory », Biological Cybernetics, Vol. 23, 1976, p. 99-109. L’étude de Lüder Deecke, Berta Grözinger et H. H. Kornhuber sur les mouvements volontaires des doigts chez l’homme a identifié trois potentiels cérébraux distincts précédant une flexion volontaire rapide des doigts, qui peuvent être enregistrés à partir de la surface du crâne en utilisant la méthode de la moyenne inversée dans le temps. Le premier est le « potentiel de disponibilité » (Bereitschaftspotential ou BP), une activité corticale précoce, bilatérale et étendue, qui commence en moyenne 750 ms avant le début du mouvement. Le deuxième est la positivité pré-mouvement (PMP), qui survient 87 ms en moyenne avant la première activité musculaire (EMG) et qui est également bilatérale et étendue. Le troisième est le potentiel moteur (PM), qui est le seul potentiel unilatéral, localisé dans le cortex moteur controlatéral, et qui commence 54 ms avant la première activité EMG. Le BP est interprété comme un déplacement négatif du potentiel continu cortical, représentant probablement un processus préparatoire dans les réseaux dendritiques des zones corticales impliquées dans le mouvement prévu. L’étude note également que le BP commence de manière bilatérale et symétrique, avec une légère prépondérance controlatérale émergeant sur le cortex moteur environ 400 ms avant le mouvement, devenant statistiquement significative à 150 ms.
iiK. Norbu et A. Jorissen. Symphonie pour un nouveau monde. Au-delà de la dualité esprit-matière. Academia, Louvain-la-Neuve, 2021, p.286, note 3
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