
« Ich-Ech … Homme-Feu » ©Philippe Quéau (Art Κέω) 2024
Trop de choses me paraissent confuses, obscures, épaisses, lourdes, dans ce monde. Mais d’autres me semblent d’autant plus légères, transparentes, lumineuses. Quelles sont-elles ? Qu’importe ! Elles varient selon les uns ou selon les autres. Quant à moi, je préfère taire mes vues, faire silence. Mais il m’arrive aussi de penser à un nom, ou à un autre, « et je sais sous ce nom ce qu’il faut que j’entendei ». Alors j’éteins tout instinct, je songe un instant à l’éternité, à ses possibles. J’ai vu d’ailleurs que les opinions changent assez vite chez les mortels, au cours d’une seule vie. Les dictionnaires se démodent, les grammaires transigent, les politiciens passent, les sages outrepassent. Reste la houleii blême des mots : terre, enfer, paradis ; corps, femme, âme ; Véda, Torah, Coran ; mort, saint, blasphème ; travail, capital, intérêt… Ils ont intérêt (en effet) à faire des trinités. Tous ces mots sont-ils assez clairs et assez opaques ? Avec le temps, perdent-ils en superbe, ou gagnent-ils en followers ? L’homme est une très petite cruche d’argile, trop vite emplie d’air, d’eau et de mots iii… Un jour, la cruche casse, et qu’est-ce qui en coule ? Le crâne craque, et qu’en sort-il ? Vous ne m’avez pas compris, sans doute. Je ne suis ni nihiliste, ni matérialiste, ni idéaliste. Mais tout n’est pas que peau, pisse, sang, sperme. Je crois que d’une goutte peut naître un univers, ou même des myriades de mondes. Une goutte de quoi ? De brahmaniv ? De Yahv ? D’ilahvi? La question appelle-t-elle réellement une réponse ?
Kyū dit plutôt ceci : « Plongez en la question, le plus profondément, puis reprenez votre souffle. Voyez ! Là, il n’y a plus acception de personnes, il n’y a plus ni Hindou, ni Juif, ni Arabe, ni Grec — ni goy. Qui y a-t-il alors ? Toi ? Toi !
Ou seulement ce point, et cette exclamation : « ! »
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iMolière. Les Femmes savantes. Acte I scène IV, v. 304
iiLe mot « foule » ne me chaut point, ici. Je préfère le mot « houle », plus marin, plus océanique, moins fasciste.
iiiQuant à lui, Kabῑr dit plus crûment qu’il est fait :« d’air et de sperme […] de peau, d’os, de pisse et de merde » [sic]. Cf. Śabda, 75
ivLe brahman est le principe suprême et abstrait de la réalité. Il est à la fois au-dessus de l’être et du non-être, selon le Véda.
vYah (יַה) est l’un des nombreux noms du Dieu Un qui sont cités dans la Bible hébraïque. Il est composé des deux premières lettres du Nom YHVH (יְהוָה )
viEn arabe, le mot ilah (إلَهً) est un nom commun qui signifie « divinité ». Lorsqu’il est précédé de l’article al, il désigne Allah.
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