
En Inde, le Brāhman est l’énigme suprême, – dont les Upaniṣad révèlent parcimonieusement quelques enseignements secrets.
Le mot Upaniṣad a plusieurs sens : le mystère sous-jacent à l’ensemble des choses ; une doctrine secrète, mystérieuse, mystique ; les écrits relatifs aux Brāhmaṇas, (dont le but est d’exposer la signification secrète des Védas) ; la source de la philosophie des Vedānta et des Sāṃkhya.i
Ṡaṅkara livre une explication plus déliée de ce mot à tiroirs : « En ajoutant upa (approche), et ni (déposer) à la racine SAD, le sens est « dissolution » (viṡaraṇa) ; on a un mouvement (d’approche ou d’atteinte/gati) et un déliement (avasādana)… Upaniṣad est la connaissance qui a pour objet le connaissable (vedyavastu). La connaissance est appelée Upaniṣad par association à son but. »ii
La racine SAD, qui est le cœur du mot, possède à elle seule un ample spectre de sens : « s’asseoir (pendant un sacrifice) ; observer attentivement; s’évanouir, s’effondrer de désespoir, de détresse, désespérer, périr ; affliger, ruiner, détruire. »
Dans ce mot, on entend les multiples résonances de l’attitude de l’officiant procédant au sacrifice, mais aussi des sentiments les plus extrêmes de ceux qui désespèrent, qui s’affligent ou qui détruisent…
La recherche de la connaissance n’est pas un long fleuve tranquille. Dissolution, déliement, détresse, désespoir, destruction, sont destinés à la côtoyer sans cesse.
Et il y a bien d’autres secrets encore à découvrir, en dehors des Upaniṣad, par exemple dans le chant brahmanique, dont l’enjeu est précisément « ce qui est secret » (guhā).
Il y en a aussi dans la parole : « La parole est mesurée entre quatre quarts que connaissent les Brāhmanes qui ont l’intelligence ; trois cachés sont immobiles ; les humains parlent le quart de la parole. » (Ṛg Veda I.164.45)
Pour chaque parole dite, trois parts sur quatre restent cachées, secrètement immobiles.
Qui peut les entendre ?
iA Sanskrit-English Dictionary Monier Monier-Williams. Clarendon Press. Oxford 1960
iiAlyette Degrâces. Les Upaniṣad. Fayard, Paris, 2014, p. 365, note 1483 (KaUB1)
Je trouve votre projet d’une anthropologie du sacrée très intéressant. Dans quel démarche vous inscrivez vous ? Est-ce une réflexion personnelle, un travail universitaire, un plaisir ? Pouvez-vous préciser ce que vous entendez pas anthropologie du sacrée ? (J’ai lu votre présentation). Cela m’interroge et m’intéresse.
Merci à vous.
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