La temounah (תְּמוּנָה) de Dieu : figure, vision, idée ou réalité?


Le mot hébreu תְּמוּנָה (temounah), possède trois sens, selon Maïmonide.

D’abord il se dit de la forme ou de la figure d’un objet perçu par les sens. Par exemple : « Si vous faîtes une image taillée de la figure (temounah) de quoi que ce soit etc. » (Dt. 4,25)

Ensuite il se dit des figures et pensées imaginaires qui peuvent se produire dans l’imagination : « Dans les pensées nées de visions nocturnes, etc. » (Jb. 4,13). Ce passage de Job se termine en employant une seconde fois ce mot: « Une figure (temounah), dont les traits m’étaient inconnus, se tint là sous mes yeux. » (Jb. 4,16). Cela signifie, dit Maïmonide, qu’il y avait un fantôme devant les yeux de Job, paraissant pendant son sommeil.

Dans son troisième sens, ce mot signifie l’idée perçue par l’intelligence. C’est dans ce sens, pense Maïmonide, que l’on peut employer temounah en parlant de Dieu, comme dans ce passage : « Et il contemple la figure (temounah) de l’Éternel. » (Nb. 12,8). Maïmonide commente ainsi : « C’est-à-dire qu’il contemple Dieu dans sa réalité. »

Dans ce passage célèbre, Dieu parle d’abord à la première personne du singulier: « Je lui parle face-à-face, dans l’évidence, non en énigmes. » Puis, immédiatement après, Dieu parle de lui-même à la 3ème personne : « et il voit la forme (temounah) de YHVH. »

Maïmonide commente: « Les docteurs disent que c’était là une récompense pour avoir d’abord ‘caché son visage afin de ne pas regarder vers Dieu’ (Berakhot 7a) ».

En effet, lors de l’épisode du buisson ardent : « Moïse cacha son visage, car il craignait de regarder vers Dieu. » (Ex. 3,6)

Mais Maïmonide passe sous silence le fait que le traité Berakhot rapporte des opinions opposées à ce sujet.

Rabbi Yehoshua ben Korḥa interprète négativement que Moïse ait commencé par se cacher le visage, puis qu’il ait demandé à Dieu de lui montrer sa « gloire » (Ex. 33,18). En conséquence, Dieu lui refuse ce privilège.

Au contraire, Rabbi Shmuel bar Naḥmani et Rabbi Yonatan pensent que la discrétion de Moïse au moment où Dieu apparut dans le buisson ardent est récompensée de trois façons. Premièrement, son visage « rayonnait », lorsqu’il descendit de la montagne (Ex. 34,29). Deuxièmement, les Israélites « avaient peur de l’approcher » (Ex. 34,30). Troisièmement, Moïse a pu « voir la forme (temounah) de YHVH » (Nb. 12,8).

Il est difficile d’apporter du nouveau après les docteurs du Talmud et Maïmonide. On peut quand même essayer.

Le mot תְּמוּנָה (temounah ) a comme racine מוּן. La lettre taw, initiale de temounah, donne sa forme substantive au mot. Si l’on permute ce taw avec le teth de l’alphabet hébreu, on obtient le mot themounah. Chose fort curieuse, le mot thamana טָמַן, signifie précisément « cacher, enfouir ».

Je trouve très surprenant que Moïse cache (thamana) son visage pour ne pas voir la temounah de Dieu.

Plus surprenant encore : c’est parce qu’il s’est caché le visage qu’il a pu « voir la figure (temounah) de Dieu ».

Mais cette temounah, était-elle figure, vision ou idée ?

Ou les trois à la fois ?

« S’il y a parmi vous un prophète, c’est en vision que je me révèle à lui, c’est dans un songe que je lui parle. Il n’en est pas ainsi de mon serviteur Moïse, toute ma maison lui est confiée. Je lui parle face à face, dans l’évidence, non en énigmes, et il voit la temounah de YHVH. » (Nb. 12, 6-8)

Donc Moïse n’a vu Dieu en vision ou en songe, il a vu « l’évidence » de sa temounah.

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